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J'ai compris

Pierre Béguin

écrivain

Littérature

Joselito Carnaval

Extraits de presse

Extraits du livre

Roman , 238 pages , Ed. L'AIRE - 09/2000.

Extraits de presse

«L’auteur développe avec originalité une écriture «réaliste» à perspectives multiples qui décape le regard; ainsi, la parodie verbeuse de la justice montre entre les lignes qu’il n’y a qu’une seule loi: celle du plus fort.»

Franciane Dafflon, Le Matin, 3 décembre 2000

«L’insoutenable récit de Pierre Béguin témoigne courageusement et brutalement d’une réalité dont certains journaux latino-américains ont rendu compte assumant tous les risques qu’il y a à dénoncer des exactions commises grâce à de hautes complicités.»

Mireille Schnorf, La Presse Riviera-Chablais, 1e novembre 2000

«L’intention de l’auteur est limpide: faire un livre politique au sens fort du terme, qui démonte les mécanismes du pouvoir et de la terreur.»

Catherine Dubuis, Ecriture 57, 2001

Article de journal relatant le fait divers duquel est inspiré le roman Joselito Carnaval.

NACION, 10 mars 1992

Extraits du livre

p. 11 — 18

Le jour où il fut poignardé, Wilfrido Soto s’était réveillé au bruit sourd d’un tambour à la peau détendue qui cognait dans sa tête. Quand il s’assit sur le bord de sa paillasse, le visage enfoui dans les mains, ce fut soudainement comme si mille guacharacas se déchaînaient sous l’os du crâne, le secouant par moments de violentes convulsions. Il avait fait une noce effrénée toute la nuit, dans la caseta de Rebolo, sirotant à petites gorgées sa bouteille d’alcool antiseptique en répondant à des saluts qu’on ne lui adressait pas, tout heureux dans le bloc d’oubli d’un monde à l’envers où s’était réunie, dès la veille du carnaval, la multitude orageuse et démunie de naufragés étrangers les uns aux autres et qui tentaient, mus par un pur instinct primitif, une sorte de cohabitation boiteuse cimentée de sueur, d’aguardiente et de cumbia.
— Il avait le regard chassieux, la démarche errante des aveugles, et ses bras, comme détachés de son corps, paraissaient seulement posés à côté de lui, précisa plus tard Rafael « El Abuelo » Arrázola quand il le vit arriver sur le coup des neuf heures, le teint cireux, vacillant encore comme porté par un grand vent, à la tienda de la grosse Josefina — toujours sombre avec son seul néon au-dessus des soupières — où ils avaient pour habitude de saluer le jour par une partie de dominos.
— Tout à fait capable de baiser encore, la vieille bique, malgré son âge Dommage qu’elle pue l’urine de lapin bredouilla-t-il seulement dans un sourire dissimulé, avant de plonger le nez dans sa première bière.
Ce furent les seules paroles qu’on lui entendit prononcer ce matin-là, avant qu’il ne disparût dans l’aube informe et cotonneuse se faire saigner comme un cochon.

Il avait d’abord pris la direction de la carrera 30 — l’avenue des vaches comme on l’appelle encore parfois, résurgence d’un autre temps où les bovidés éparpillés sur cette terre aride avaient découvert par un instinct plus sûr que celui des hommes les eaux sales du río Magdalena s’étirant à travers la campagne roussie, à peine creusée par l’érosion, comme une ligne d’épais brouillard qui se serait affaissée sur la terre. Si l’on y croise encore maintenant quelques vaches affalées mollement sur un lit d’ordures multicolores, on n’aperçoit plus guère, le soir, que quelques masses de sacs, de chiffons, de tignasses en forme de tapis, juchées sur des caisses en bois à quatre petites roues, une jambe sur le marchepied du chariot, l’autre derrière à la poussette, guenilles errantes au ventre rongé par les amibes, au visage maculé de charbon et de saleté, dans une avenue démolie et boueuse bordée parfois de mornes levées de terre, de tertres avachis ou du liseré triangulaire, triste et gris, d’usines à l’abandon.
Ce matin-là, l’avenue semblait plus déserte encore que d’habitude. Détrempée par une violente averse, mais absolument déserte et silencieuse. La lumière tombait droite déjà comme une immense toile d’or qu’on aurait étendue pour sécher et, de-ci de-là, des ombres s’étiraient péniblement de leur affalement nocturne sur de sordides tas d’ordures. Peu à peu, poussées par la tyrannie du jour, elles se tassèrent jusque sous les auvents étroits des baraques qui, de place en place, surgissaient luisantes et métalliques dans cette abondance d’éclats lourds et presque insolents de certitude. La poussière elle-même, sous l’effet de la blancheur éclatante des rayons, ressemblait à de la farine de bon froment.
Quand Wilfrido Soto s’engagea dans l’avenue des vaches, ce n’était plus qu’une énorme et éblouissante coulée d’or, coiffée d’azur, semant des particules d’étoiles autour d’elle, pareille à une fantastique transmutation. Vrai piège, trompe-l’œil idéal du jour qui recouvre les êtres et les choses d’un manteau de beauté sous lequel la misère même paraît irréelle. Dans l’or bleuté du ciel, devant ce rayonnement joyeux de couleurs vives, Wilfrido Soto, lui aussi, dut déposer un instant ses malheurs aux pieds du miracle lumineux de cette aube accueillante comme les bras ouverts de la vierge Marie. Oublier peut-être le drame qui l’avait obligé à se réfugier là, dans le mol abandon nauséabond de la grande ville, dans son hideux derrière en boîtes de conserve et ordures qu’il arpentait depuis avec le chariot qu’il s’était construit, fouillant comme un dément la mauvaise colère des poubelles et les renvois vomitifs des quartiers riches, errant pour ainsi dire replié sur lui-même pareil à un crabe qu’on aurait tiré de la mer et qui vivrait sur sa chair jusqu’à ce qu’il n’eût plus que sa coque.
Dans une lumière hésitante et grise, sous la masse compacte des nuages déversant une petite pluie fine, peut-être eût-il perçu comme un mauvais présage le spectre irréel, presque menaçant, d’un gros matarratón solitaire dont le bois — ancienne réminiscence associée à l’espace et au temps mythiques où il servait de manche à faux ou de bâton à frapper les ânes et les vaches — constitue l’élément principal de la danse de la faux qui allait déferler dans quelques heures du nord de la ville, avec ses couples en robes et pantalons noirs, brandissant l’instrument pour simuler les labeurs des semailles ou se moquer de la mort dans la joie existentielle de ceux qui ne pensent qu’à vivre et à chanter.

Allons car il va pleuvoir
Et le chemin est sinueux
J’ai semé la bonne herbe
Où l’eau ne coulait pas
Et j’ai donné mon cœur
A qui ne m’aimait pas.

Et par la voix allègre de la multitude, on éprouve l’étrange sensation que le pays lui-même résonne et bourdonne, vibre et retentit, que la côte entière fermente et fait sa folle dans le fracas lourd d’une tonitruante paix de Dieu.
Mais ce matin-là, quand Wilfrido Soto longea solitaire le canal qui borde l’avenue des vaches, la coulée d’or baignait encore dans un silence asphyxiant, comme si plus personne n’existait sur la surface de la terre. On ne croyait entendre que le murmure de l’éternité venir vers soi, de très loin, pour ainsi dire étranger à la ville.
Il quitta ce bloc de silence pour s’engager dans l’Avenida Coruña comme s’il eût été chassé de côté par un souffle violent. Un nuage s’étira, pareil au corps souple d’un chat qui se réveille et une ombre tomba sur le marcheur comme une étoffe qu’on déplie. Il sortit de l’ombre et l’ombre le reprit aussitôt. Un court instant, le nuage occupa une place dans le ciel, puis soudainement il ne l’occupa plus et Wilfrido Soto apparut à nouveau, silhouette insignifiante et presque dérisoire, dans l’éclat de la rue un peu moins démolie maintenant, un peu plus propre, touchée d’un doigt magique par les premiers signes d’opulence des beaux quartiers.
Il parvint bientôt à la hauteur de l’Université, insolente et presque menaçante avec ses briques rouge vif derrière ses hautes grilles bariolées de jaune. Encore quelques mètres et, pour Wilfrido Soto, allait commencer un trajet singulier, pour ainsi dire de l’autre côté des mots; encore quelques mètres et sa vie n’allait plus être qu’une longue plainte lancée au-dessus de l’indifférence comme ces hurlements que jettent les chiens abandonnés dans la nuit, un de ces hurlements qui ne s’adresse à personne mais qui dérange tout le monde parce qu’il ronge lentement la poésie des hommes jusqu’à menacer leur fragile refuge de mots et de musique à fabriquer les rêves.
De l’autre côté des grilles, du bon côté des mots, la ville, comme éclairée en pleine lumière par une multitude de photophores, s’apprêtait à vivre son premier jour de fureur carnavalesque, mélangeant hommes et bêtes dans une formidable chienlit grasseyante, assourdissante, féerique, pour tout dire indescriptible, dont le grondement sourd emplit les rues, les corps, les têtes, pareil à un gigantesque cyclone dans lequel la vie même se résorbe, aspirée brusquement comme un vulgaire débris.
Le jour où Wilfrido Soto fut poignardé, au moment où le premier coup de couteau s’enfonçait dans sa chair, les lamentations des flûtes indiennes de millet, le sifflement contagieux de la gaita, le chatouillement des guaches et des maracas, la stridence des guacharacas et une multitude de tambours extravagants accompagnaient la révolte des hommes et des bêtes qui prenaient déjà d’assaut les rues populaires au milieu d’une ardente nuée de poussière, profanant l’indolence et s’adonnant sans honte ni retenue à la maïzena et au rhum. Dans cette faune de créatures déchaînées, quelques-unes d’apparence plus chrétienne surgissaient par trouées, comme le petit taureau, le serpent, le tigre, l’âne, l’épervier ou le caïman, au milieu d’apparitions fantastiques et inconnues, comme la marimonda, brassant le rouge et le jaune dans des provocations gestuelles répétées, ou le garabato, figurant, dans une lutte furieuse entre la mort et un valeureux combattant, la proche et inexorable défaite de la chair. A une telle invasion zoologique s’ajoutait le diable lui-même, corps rouge et velu jaillissant derrière les danseurs avec ses trois visages et ses deux grandes ailes déplumées de chauve-souris, bien décidé à ensanglanter de joie la mascarade.
Le jour où Wilfrido Soto fut frappé, au moment où, à terre déjà, il recevait le premier coup de bâton qui lui éclata les doigts de la main gauche, la masse humaine, ébrouée par l’alcool et par une reddition frénétique, bénissait l’injonction pulsionnelle des instincts en se laissant guider par les mélodies et le rythme des rues, et la ville entière débordait de ses artères, possédée par la passion maladive du carnaval, comme si en lui seulement se concentrait l’existence. Ce jour-là, la déraison, hypnotisée par le son de la papayera, était licite, fermant magasins et églises, imprégnant l’atmosphère de fritures d’arepas et de caribañolas, étrennant chapeaux de paille et vêtements multicolores, sortant de la maison avec l’intention de n’y plus retourner.
Au moment où Wilfrido Soto fut traîné à la morgue, l’allégresse en chacun se faisait contagieuse au défilé des groupes folkloriques, accomplissant à la lettre le slogan de la reine du carnaval celui qui le vit est celui qui en jouit. Alors, la guerre de l’eau et les lancers de maïzena ne se firent guère attendre, les papayeras s’animèrent et ne cessèrent de sonner, atteignant leur paroxysme durant la danse de la faux.

p. 39 — 44

Démarche d’inspection judiciaire effectuée dans les installations de l’Université, sise Avenue Coruña, n° 172.

Le 25 février ****, jour et heure indiqués par mandat antérieur, dans le but de permettre le déroulement d’une inspection judiciaire dans les installations de l’Université, le sixième juge d’instruction en fonction s’est constitué en audience publique et a immédiatement remis copie à disposition du juge en accord avec son secrétaire, les auxiliaires techniques désignés et les inspecteurs de police Efrain Cuello, carte d’identité 6.112.314, et Oscar Eugenio Ocampos, carte d’identité 8.516.251, afin d’établir le présumé accomplissement d’un délit d’homicide rapporté à notre bureau par le susmentionné inspecteur Efrain Cuello.
Le plaignant, Monsieur Wilfrido Soto, chiffonnier, sans papier d’identité, sans résidence fixe, a affirmé s’être échappé d’une citerne remplie de formol qui se trouvait dans la morgue de l’Université où, selon lui, des gardiens de l’institution l’auraient traîné de force après l’avoir frappé à coups de couteau et de bâton. Le plaignant a prétendu qu’un des gardiens l’aurait invité à entrer dans l’enceinte académique en lui laissant croire qu’il lui fournirait des morceaux de carton et de ferraille. Après avoir escaladé un mur donnant sur l’avenue en face de ladite Université, le plaignant s’est réfugié chez Monsieur Gabriel Cerezo Hernández, psychologue délégué au Bien-Etre Familial, carte d’identité 8.735.108. Ce dernier a confirmé avoir recueilli à son appartement, le samedi 24 février aux environs de 16 heures, Monsieur Wilfrido Soto encore baignant dans son sang à la suite de blessures causées par armes blanche et contondante. En état de choc, la victime se bornait à répéter « Là-bas, à l’Université, ils sont en train de tuer des gens » Monsieur Cerezo Hernández a immédiatement transporté le blessé à l’Hôpital Général et l’a incité à porter plainte pénale contre les gardiens de l’Université pour tentative d’homicide et séquestration.
Accompagnés de la patrouille Faucon 2, le sixième juge d’instruction et les inspecteurs Efrain Cuello et Oscar Eugenio Ocampos ont entrepris une inspection judiciaire minutieuse des lieux. Dans la partie latérale gauche de l’Université, surface sud du terrain de basket-ball, ils ont relevé sur le sol des traces apparemment de sang ainsi que l’empreinte apparemment d’un corps qu’on aurait traîné le long du terrain de basket-ball jusqu’à l’amphithéâtre de l’Université. Devant l’entrée de l’amphithéâtre, une large tache de peinture couleur jaune était répandue dans le dessein probable d’effacer toute évidence des traces susmentionnées. Les enquêteurs ont relevé sur ladite trace de peinture couleur jaune des empreintes de pneu, apparemment d’un véhicule automobile, qui ont été aussitôt photographiées. Après inspection oculaire dans un dépôt situé dans la partie nord de l’université, il a été trouvé divers objets de maintenance et boîtes de peinture dont une de la même couleur que celle répandue sur le sol à l’entrée de l’amphithéâtre. Les auxiliaires du corps technique ont aussitôt confisqué ladite boîte et pris des photographies, détails et ensemble. Une nouvelle inspection oculaire plus approfondie effectuée au fond de la partie nord de l’Université a permis de découvrir, entre une armoire vitrée vide et des morceaux de carton à surface en Formica, une latte de bois fin de couleur blanche, longueur 75 cm, épaisseur 6 cm, couvert de taches de sang sur toute sa structure, plus prononcées et visibles sur sa partie épaisse. Immédiatement, les auxiliaires techniques ont procédé à des relevés d’échantillons du sang trouvé sur la superficie de la présumée arme contondante en vue d’une analyse comparative avec ceux prélevés sur le plaignant actuellement soigné à la base navale. Lesdits échantillons ont été emballés dans les formes afin d’être envoyés au laboratoire de médecine légale pour expertise. Cet objet contondant est considéré comme preuve et s’ajoute au dossier. Dans un patio situé dans cette même partie nord de l’Université, les autorités policières ont découvert un tronc humain de sexe masculin, décapité et amputé d’un membre inférieur et des deux membres supérieurs, pratiquement réduit à l’état de momie apparemment sous l’effet du formol. Le cadavre a aussitôt été photographié par les auxiliaires techniques puis emballé et adressé à l’Institut de Médecine Légale pour examen. A ce stade de l’inspection firent acte de présence Messieurs Saúl Ujueta Sanz, carte d’identité 12.547.307, qui occupe la charge d’administrateur de l’Université et Elkin Alirio Agudelo, président du conseil de direction de l’Université, carte d’identité 11.767.391, lesquels ont accordé entière collaboration aux autorités judiciaires et policières et leur ont permis l’accès dans l’amphithéâtre de l’Université. Une rapide inspection des lieux a révélé une quantité de taches apparemment de sang dont les auxiliaires techniques ont pris des photographies, en détail et dans leur ensemble, avant de relever minutieusement des échantillons avec emballages respectifs adressés à l’Institut de Médecine Légale en vue d’une nouvelle expertise et d’un rapport final. Il a été ensuite trouvé dans la partie latérale gauche de l’amphithéâtre, près d’une fenêtre grillagée, une latte de bois, longueur 56 cm, épaisseur 5 cm, ainsi qu’un couteau à manche noir, longueur 18 cm, dont la lame était couverte de taches apparemment de sang sur toute sa superficie. Ces deux objets ont été confisqués comme preuves et s’ajoutent au dossier. A ce stade de la perquisition fit acte de présence Monsieur Salvador Eljarck Barcasnegras, carte d’identité 4.155.899, se présentant comme étant la personne chargée de la préparation et de l’embaumement des cadavres à leur arrivée dans l’amphithéâtre, qui a fourni aux autorités judiciaires et policières les clés de la morgue. En face de l’entrée de ladite morgue, juste derrière la porte, était étendu un corps sans vie dans une mare de sang à peine séché. La mort a été provoquée de toute évidence par traumatisme crânien ouvert survenu à la suite de plusieurs coups reçus apparemment par un objet de forme contondante. A côté du cadavre, dans la partie latérale droite de la morgue, se trouvaient trois (3) citernes remplies d’une substance liquide, apparemment du formol, dans lesquelles étaient entassés plusieurs cadavres de sexes différents, la plupart décapités et amputés des membres inférieurs. Immédiatement, les autorités policières ont procédé à l’extraction des cadavres et de la substance liquide. Il a été retiré desdites citernes dix (10) cadavres, sept (7) de sexe masculin et trois (3) de sexe féminin, ainsi que divers restes de dépouilles humaines, soit au total quatre (4) crânes, vingt-trois (23) membres inférieurs, huit (8) membres supérieurs, treize (13) cages thoraciques, soixante-sept (67) foies ou morceaux de foies, trois quarts (¾) de membres, trente-deux (32) côtes et des centaines d’osselets. A ce stade de l’inspection, considérant le nombre de cadavres, de membres et d’organes, et l’impossibilité de les transporter à l’Institut de Médecine Légale en vue de leur autopsie respective, le juge a exigé la présence officielle du médecin légiste dans les installations de l’Université afin d’effectuer dans lesdits lieux l’examen nécropsique. Il a été ensuite procédé à la levée multiple des corps, en les détaillant, les numérotant par sexe, caractéristiques morphologiques et lésions observées, ainsi qu’à la photographie des cadavres, en file et individuellement, avec le numéro respectif assigné et le témoin métrique, comme suit
Les dix (10) cadavres couchés sur le sol en face de la morgue, alignés d’ouest en est, tous en position artificielle de décubitus dorsal, têtes au sud, pieds au nord, et numérotés de 1 à 10. Le juge donne l’ordre aux auxiliaires techniques de la police judiciaire de prendre les empreintes digitales et la photographie des corps. Etant donné l’état avancé de décomposition des cadavres et leur momification par effet du formol, les auxiliaires susmentionnés déclarent impossible le relevé dactyloscopique et sollicitent du médecin légiste la pulpe des doigts afin de les remettre à la police judiciaire qui procédera à l’examen d’identification des morts.
En l’état, la présente inspection se termine à 18.25. Elle est signée par les intervenants.

p. 58 — 66

Avant, on était heureux comme des cochons dans la merde; pauvres bien sûr, mais comme il n’y avait ni journalistes ni assistants sociaux pour nous le dire, on ne pensait même plus qu’on n’était que des gorets bien sales. Si de temps à autres, l’un d’entre nous disparaissait de la corporation, l’idée qu’on ait pu l’emmener dans une cuve à formol ne nous effleurait pas une seconde. On croyait seulement qu’il était allé rejoindre sa famille ou qu’il avait adopté un autre quartier et on l’oubliait bien vite dans les chansons et l’alcool. Maintenant qu’on sait, c’est moins facile, surtout avec l’assistant qui veut nous ouvrir la conscience à nous répéter qu’on confond le bien avec la résignation. Quel connard !
— Ne venez pas nous emmerder avec vos droits, que je lui ai dit, moi, à ce Cerezo, vous n’êtes qu’une larve immonde ! Pendant que vous baisez dans le beau monde, nous on se fait crever la peau du cul ! Vous êtes là à tendre l’oreille partout et puis vous irez baver comme une limace auprès de l’autorité pour qu’elle vous paie. Vous êtes peut-être psychologue mais vous ne comprendrez jamais rien à Rebolo avec vos théories boiteuses. Alors écoutez-moi bien : chez vous, là-bas, quand un mec se fait la femme d’un autre, ça se termine en thérapie de groupe. Mais ici tu te retrouves éventré comme un cochon et étranglé avec tes intestins. Filez vite avant qu’on ne vous transforme en saucisson !
Hier soir, les autres sont venus me voir chez la grosse Josefina. Ça les avait un peu perturbés, notre dispute. Ils voulaient discuter, me demander conseil. Des conseils pourquoi ! La vérité, on l’a mise au musée depuis belle lurette et on doit payer pour la voir, déjà qu’elle coûte bien assez cher comme ça pour satisfaire l’appétit de la conscience. Quand on n’est rien, faut se contenter du mensonge, ou du silence. Avant, ils me consultaient avec respect et m’apportaient même à manger parce que je suis le plus vieux ici et que j’ai fait des études avant de venir traîner mes savates à Rebolo. Maintenant, mon avis, ils s’en foutent ! C’est seulement mon approbation qu’ils recherchent. Cette histoire commence à nous diviser. Ça va mal finir, je le sens.
J’ai tout de même essayé de leur faire comprendre qu’aussi longtemps que l’administrateur de l’Université dégustait, ça voulait dire que les mouches avaient trouvé leur vache, qu’on était tranquilles pour un bout de temps et qu’il ne fallait surtout pas aller remuer les odeurs.
— On n’est que des merdes, nous, de gros étrons. On pue pas plus que les autres mais si on nous chie à un endroit qui dérange, là où l’on risque de nous marcher dedans, toutes les mouches vont changer de vache et on en aura plein sur le crâne. Voilà ce qu’il va en advenir de vos droits ! Et quand ils auront bien fait leur coup avec un tas de macchabées autour, ceux qui ont étudié se ra¬mèneront pour vous tomber dessus et vous vous serez bien salis les mains à leur place. Ceux qui ont étudié ont toujours le dernier mot, c’est la première loi sociale et c’est la seule qui importe...
Le problème avec les hommes, c’est qu’ils n’écoutent pas, ils entendent mais ils n’écoutent pas.
— Derrière toute cette saleté, il y a un Monsieur, qu’il a répondu, El Cachaco, en se redressant fièrement et en tirant sur sa vieille chemise crasseuse et déchirée pour montrer sa poitrine avec orgueil.
— Un Monsieur ! je lui ai rétorqué, un Monsieur qui va à Barlovento acheter du basuco et qui noie sa cervelle dans l’alcool antiseptique avec le peu d’argent qui lui reste !
— D’accord Abuelo ! J’ai plein de vices mais ce qui est mal est mal, avec ou sans vices. Moi, je n’ai jamais tué personne, je suis un type décent et tout le monde doit le savoir !
Les autres l’ont approuvé.
— Je sais Cachaco ! Je sais que tu es un Monsieur, mais l’autorité et les gens là-bas, ils appellent pas ça un Mon¬sieur. Ceux qui ne nous situent pas entre le chien et le lézard sont déjà considérés comme de dangereux progressistes. Souvenez-vous l’autre jour, sous le petit pont de Cudecom...
Chaque fois qu’un camion passe au-dessus, on tremble des pieds à la tête, mais habituellement on ouvre un œil et on se rendort aussitôt. Cette nuit-là, un camion de pompiers s’est arrêté avec sa sirène stridente agressant sauvagement le silence et toutes ses lumières aveuglantes dirigées sur nous. Alors les types ont crié en se marrant :
— Vous n’êtes pas à l’Université en train de ramasser des petits cartons ?
La Chupa Chupa, extirpant un peu de lucidité des brumes d’alcool qui l’avaient plongée dans une sorte de coma, a répondu à l’attaque :
— Tu ferais mieux d’y envoyer ta mère, enculé !
— Va te faire foutre par les gardiens, fille de pute !
Finalement, c’est El Mugre qui a eu le dernier mot :
— Cette fille de pute aurait pu être ta mère, sale bâtard !
Les types ont disparu par l’avenue des vaches dans un vacarme assourdissant. El Mugre s’est recouché en soupirant simplement : « Des pompiers désœuvrés ! » Les autres, encore somnolents, ont ri et tout le monde s’est rendormi comme si tout cela n’avait pas d’importance. A quoi bon leur expliquer !
Sans trop y croire, je leur ai encore dit cette histoire de coyotes que j’avais déjà racontée à Wilfrido pour qu’il cesse de répandre son odeur en plein jour là où c’est bien inconvenant :
— Quand une femelle coyote est en chaleur, avant toute chose elle se fait baiser par les mâles. Ensuite, elle s’en va rôder autour d’un village pour que tous les chiens reniflent son odeur. Alors ils en deviennent comme fous, les chiens, et ils lui foncent au derrière. Elle, elle les attire loin du village, puis elle en choisit un qu’elle entraîne, tout seul. A ce moment, les autres coyotes rappliquent et ils bouffent le chien. C’est comme ça qu’ils se nourris¬sent, les coyotes. Les hommes aussi, croyez-moi, les hommes aussi, et l’assistant social pareil...
Wilfrido, lui, il m’approuvait, il disait que j’avais bien raison, mais au fond je crois qu’il en était comme malade de n’être qu’un sale goret. Surtout à cause des femmes qui ne le regardaient plus, ou qui faisaient semblant de ne pas le voir.
— Et l’amour, Abuelo, l’amour, tu n’y penses pas ?
— Ah, l’amour ! oui, c’est un feu qui dévore ! Et puis, avec le temps, on s’aperçoit que l’envie de chier est en¬core plus forte. Alors il perd de son attrait, on finit par ne plus y croire.
— C’est qu’il y a aussi des femmes qu’on aime telle¬ment qu’on a peur d’avoir des souvenirs. Ça ferait trop mal avec tous ces cauchemars qui nous attendent au coin de la nuit. C’est idiot, n’est-ce pas ?
— Oh ! moi, tu sais, je n’ai jamais vraiment accepté l’idée qu’on puisse m’aimer comme si j’avais l’impression qu’on aimait quelqu’un d’autre que moi, qu’on me faisait cocu avec moi-même.
— Tu as peut-être bien raison, mais crois-moi, quand on se sent comme une baignoire dont l’eau s’en va, il n’y a qu’une seule chose qui te remonte, c’est de penser qu’une femme t’attend quelque part, une femme que tu ne connais pas encore. Tu l’imagines, là, tu vois, bien jolie et tout avec sa peau lisse et ses seins fermes, accueillants. Tu l’imagines sur ton chemin, fatalement, Abuelo, fatalement, il y en aura encore une à rencontrer. Alors même si on t’a tout pris et que tu crèves seul sur la route, qu’est-ce que ça peut te foutre, hein ?
— Moi, je ne suis jamais arrivé à comprendre pour¬quoi on a tant désiré une femme, une fois qu’on l’a eue. C’est une chose étrange, mais on est bien étranges, nous autres. On a beau se raisonner, en appeler à sa volonté, à son expérience, ça revient d’un coup quand on en croise une autre. On est comme des chiens, nous, derrière les femmes.
— Là, je suis bien d’accord ! Tant qu’il y a l’espoir d’une femme devant soi, on n’est pas vraiment dans la nuit, il reste comme une lueur pour s’accrocher...
— Dans les beaux quartiers, Wilfrido, seulement dans les beaux quartiers. Mais ici, les femmes, c’est la putasserie de la procréation, des chiennes pondeuses au vagin insatiable ! Tu ferais mieux de te coller une rustine sur les couilles sinon il va te sortir des marmots de n’importe quel trou comme des rats d’égout. Crois-moi, c’est à l’odeur de la merde qu’on se repère le mieux, à l’odeur de la merde ! Et dans la merde, tu y es jusqu’aux narines. Plus besoin de te poser d’autres questions !
Il n’aime pas trop ce genre de remarques, Wilfrido. Faut dire que j’en rajoute un peu parce qu’il est toujours très prompt à se perdre dans les mots, et moi j’éprouve parfois quelques difficultés à ne pas m’y perdre avec lui. Les mots vous entraînent vite dans le délire, comme ça, sans en avoir l’air, et on se retrouve bien cons au réveil à patauger dans son auge avec sa peau de boudin. On n’a pas le droit aux rêves, nous autres, question de survie ! Le drame avec Wilfrido, c’est qu’il finit toujours par parler des femmes comme si elles représentaient la réponse à tout. Son délire à lui !
— Moi, je crois quand même qu’une petite femme qu’on a bien à soi...
— Il faut ni croire, ni pas croire, Wilfrido. On n’a pas le choix. Et se taire, avant toute chose. Se taire, c’est pas d’ennuis assurés. Un avis, tout le monde en a un, comme un trou du cul. Et tu n’irais pas montrer ton derrière aux gens, hein ? tu ferais pas ça, tout de même ? Ils n’aimeraient pas ton derrière, les gens, surtout s’ils y voyaient la vérité ! Garde bien ton bazar d’idées et d’opinions caché dans ton froc avec ton derrière et assieds-toi dessus si ça devient trop lourd. Qu’il ne dé¬range personne même s’il te gratte le cul de temps en temps !
Je le comprends malgré tout, Wilfrido, avec sa piteuse nécessité d’ingurgiter sa dose de délire quotidien. Bouffer de la charogne, passe encore ! Mais ne plus pouvoir ne serait-ce que lorgner de loin ces belles créatures pour riches, quel supplice ! Le climat a un effet terrible sur la sexualité et pendant le carnaval, c’est pire encore. L’hormone prend le pouvoir. Le grand débraillement national ! Braguettes ouvertes, hormones en folie et allez donc ! On vous déguise en reines bien déshabillées quelques sardines de bonnes familles pour les flanquer sur des chars à balancer sourires et fleurs dans une foule d’abrutis bavants qui s’habillent l’âme de désirs pour une année entière, mais ça vous change tout de même des vieilles putes en guenilles qu’on trouve ici avec leurs joues creuses et toutes parcheminées qui vous donnent envie de pleurer quand elles vous sourient.
Tandis que les autres connards avec leurs revendications !
— La populace, carajo ! Nous sommes la populace, vous comprenez ? Une tourbe agressive et abjecte. Malheur à elle quand elle répand sa misère crapuleuse hors de son territoire ! Déjà qu’on vous a mis au monde à moitié morts. Ne vous reste qu’une moitié de vie, une toute petite lueur dans le grand vent, une toute petite lueur qui peut s’éteindre dans un claquement de doigts de ceux d’en haut qui sont tous la même bande de salopards. L’autre moitié de vie, ils ne peuvent rien contre, tout dépend de l’astuce qu’on met à la conserver pour ne pas se retrouver au mauvais endroit. Et les bons endroits sont rares, il n’y en a pas pour tout le monde. Croyez pas que messieurs-sérieux et mesdames-raffinement vont vous céder leur place et soyez heureux de ne pas vous réveiller dans une cuve de formol...

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Sur la mer couverte d’une lumière immense, par exemple, quand l’œil immobile au bord du long canal des peines enfouies cherche vainement un horizon et se sent plus douloureusement encore au bout des choses. Dans la poussière des étoiles tombant en pluie fine sur les eaux, par exemple, quand une ancienne voix de vent et de sel remonte de nulle part dans un grondement d’orage et lance un long gémissement où se mêlent tous les souvenirs du monde. Dans l’air devenu soudain une vitre cou¬verte de buée, par exemple, quand tu t’avances un peu plus en direction de la mer dans un battement de bras comme si tu voulais dépoussiérer le ciel de toutes ses étoiles. Mais c’est seulement cette vitre que tu voudrais essuyer, quand le ciel t’adresse un dernier signe en agitant un petit nuage blanc comme un mouchoir.
Tu sens maintenant une espèce de faiblesse dans la tête avec un tiraillement à l’ouverture de l’estomac. Ta salive est rare et la racine des cheveux te pique la peau. Quelque chose semble t’entraîner tout entier en avant. Il suffirait d’un peu de nourriture, peut-être, pour te redresser. Ou du repos : tu as marché presque toute la journée. La mer s’est mise à brasser. Les vagues montent et redescendent, se poussant parfois les unes contre les autres comme de l’eau qui bout.
Tu as laissé machinalement glisser la main dans la poche béante de ton pantalon, là où cette boîte imprègne une proéminence ronde à l’étoffe fripée. La main hésite un instant, ressort, remonte à hauteur de poitrine, s’étant saisie de l’objet cylindrique. Le couvercle qui se dévisse, la boîte ramenée sous les narines dans un mouvement du tronc, de fortes inhalations rapides, répétées, le haut du corps qui se redresse et se penche à chaque respiration, la peau du cou qui se plisse comme une surface d’eau balayée par un coup de vent...
D’une certaine manière, tu n’as plus faim et l’espoir n’a mis que quelques minutes pour laver cette buée. Tes yeux rencontrent d’abord le canal, et derrière le canal les tertres, mais ils glissent très vite sur ces masses arrondies pour aller se perdre au fond du silence. Au fond du silence, tu vois la mer se balancer dans le mouvement lent et régulier de petites vagues courtes. Tu vois cette grande lumière la traverser comme la lame effilée d’un couteau, large quand elle touche la terre et se rétrécissant en pointe acérée pour percer le bout de l’horizon à l’endroit exact où cette autre lumière, moins nette, plus diffuse, s’élève dans le ciel, pareille à des boules de coton secouées par le vent. En haut, tout est barbouillé en clair par une farine d’étoiles flottant vaguement au-dessus d’une vaste cuve remplie d’ombres.
Alors tu recommences à tout voir, ce qui bouge, ce qui a des formes, ce qui se touche, ce qui existe. Tu vois le vent se lever et soulever l’eau, chassant au loin les vagues qui courent toutes du même côté en frôlant la surface. Tu vois une multitude de points scintillants allumés tous ensemble, posés sur l’eau rouillée comme une barre de lumière qui trace sa ligne dans rien du tout.
Maintenant le monde est nettoyé et il fait bon dans le monde. Il y a des étoiles immobiles comme des îles dans la mer immense dessinant de petites taches brillantes comme des pièces d’argent toutes neuves. Il y a des femmes qui vont comme des promesses. Il y a Ticha et elle est dans le monde, elle aussi. Parce que maintenant, tout est dans le monde, un monde avec une lumière dedans et toi dans la lumière...

Chapitre 1

El día en que lo apuñalaron, Wilfrido Soto se había despertado con el ruido sordo de un tambor cuya piel destemplada le golpeaba la cabeza. Cuando se sentó en el borde de su colchón de paja, con su cara metida entre las manos, sintió como si de repente mil guacharacas se lanzaran a sonar bajo el cráneo, sacudiéndolo por instantes con convulsiones violentas. Había tenido una juerga desenfrenada durante toda la noche en la caseta de Rebolo, bebiendo a sorbitos su botella de alcohol antiséptico y contestando a saludos que no eran para él, feliz en el montón de olvidados de un mundo al revés, en donde la multitud tormentosa se había reunido, desde la víspera del carnaval, desprovista de náufragos, extraños los unos a los otros y que ensayaban, movidos por un simple instinto primitivo, una especie de convivencia a medias, cimentada con sudor, aguardiente y cumbia.
― Tenía la mirada legañosa, el caminar errante de los ciegos, y sus brazos, como si estuvieran desprendidos de su cuerpo, parecían simplemente puestos a su lado, precisaría luego Rafael “El Abuelo” Arrázola cuando lo vio llegar como a las nueve, con el rostro pálido, vacilante aún, como arrastrado por un viento fuerte, a la tienda de la gorda Josefina ― siempre oscura, con una y única lámpara fluorescente encima de las vasijas para la sopa ― y en donde acostumbraban recibir el día con una partida de dominó.
― ¡Todavía puede tirar a pesar de la edad, la vieja cabrona! ¡Lástima que huela a meaos de conejo! Refunfuñó Wilfrido simplemente, con una sonrisa disimulada, antes de sumergir las narices en su primera cerveza.
Fueron las únicas palabras que se le escuchó pronunciar esa mañana, antes de desaparecer bajo el alba callada y sin forma, para ir a desangrarse como un cerdo...

Primero había tomado la dirección de la carrera 30 ― la Calle de las Vacas, como se le sigue llamando a veces, en remembranza de viejos tiempos en que los bóvidos, diseminados en esta tierra árida, descubrieron con un instinto más certero que el de los hombres, las sucias aguas del río Magdalena que se extendían a través del campo quemado, ligeramente afectado por la erosión, como si fuera una línea de niebla espesa que se hubiera desplomado sobre la tierra. Si bien es cierto que uno se encuentra todavía algunas vacas caídas desganadamente en un lecho de basura multicolor, en la noche sólo se logran ver algunos montones de bolsas, trapos, greñas en forma de tapete, puesto todo sobre cajas de madera con cuatro ruedas pequeñas, una pierna sobre el estribo del carrito esferado, la otra atrás para empujar, harapos errantes de estómago carcomido por las amebas, con el rostro manchado por el carbón y la mugre, en una calle deshecha y convertida en basurero bordeada a veces por lánguidos montículos de tierra, por colinas deformes o por el viso triangular, triste y gris, de fábricas abandonadas.
Esa mañana, la calle parecía aún más desierta que de costumbre. Empapada por un violento aguacero, pero completamente desierta y en silencio. La luz ya caía directo como una inmensa tela de oro que hubiera sido extendida para secarse y, a un lado y al otro, unas sombras estiraban penosamente su reposo nocturno sobre sórdidos montones de basura. Poco a poco, presionada por la tiranía del día, la basura se amontonaba hasta los aleros estrechos de las casuchas que sobresalían relucientes y metálicas de un lugar y del otro en esta abundancia de fragmentos pesados y casi insolentes de certeza. El polvo mismo parecía harina de buen trigo, bajo el efecto de la blancura resplandeciente de los rayos.
Cuando Wilfrido Soto se enfilaba por la Calle de las Vacas, ya sólo era una enorme y deslumbrante lluvia de oro, coronada de azul, sembrando partículas de estrellas a su alrededor, como una transmutación fantástica. Una auténtica trampa, engaño ideal del día que cubre a los seres y a las cosas con un manto de belleza bajo el cual inclusive la miseria parece irreal. Bajo el oro azulado del cielo, ante ese resplandor alegre de colores vivos, hasta Wilfrido Soto tuvo que dejar sus desgracias por un momento a los pies del milagro luminoso de aquella alba acogedora como los brazos abiertos de la virgen María. Olvidar talvés el drama que lo había obligado a refugiarse allí, en el débil abandono nauseabundo de la gran ciudad, en su horrendo trasero de enlatados y basura, que recorría desde entonces con el carro esferado que él había hecho, escarbando como loco la rabia de las canecas y los eructos vomitivos de los barrios ricos, errando, por decirlo así, ensimismado, como si fuera un cangrejo sacado del mar y que viviera de su carne hasta que no le hubiera quedado sino la concha.
Bajo una luz vacilante y gris, bajo la masa compacta de nubes que dejan caer una tenue lluvia, puede ser que Wilfrido haya tomado como un mal presagio el espectro irreal, casi amenazante, de un gran matarratón solitario cuya madera -antigua reminiscencia asociada al espacio y al tiempo mítico en que servía de mango de guadaña o de palo para golpear a los burros y a las vacas- constituye el elemento principal de la danza de la guadaña que iba a desplegarse dentro de algunas horas en el norte de la ciudad, con sus parejas de vestidos y pantalones negros, blandiendo aquella herramienta para aparentar la labor de las siembras o para burlarse de la muerte con la alegría existencial de los que no piensan sino en cantar:

Vamos que va a llover
Y el camino es sinuoso
La buena hierba sembraba
Donde el agua no corría
Y mi corazón daba
A quien no me quería.

Y con la voz alegre de la muchedumbre, se tiene la extraña sensación que el país mismo resuena y zumba, vibra y retumba, que la costa entera fermenta y anida su locura en el pesado estruendo de una estrepitosa paz de Dios.
Pero aquella mañana, cuando Wilfrido Soto bordeaba solitario el canal de la Calle de las Vacas, la lluvia de oro seguía bañándolo en un silencio asfixiante, como si nadie más existiera sobre la faz de la tierra. Se diría que no se oía sino el murmullo de la eternidad que venía hacia él, desde muy lejos, extraño a la ciudad, por decirlo de algún modo.
Dejó ese mundo de silencio para dirigirse hacia la Avenida Coruña como si hubiese sido echado a un lado por una onda violenta. Una nube extendiéndose parecía el cuerpo dócil de un gato que se despierta y luego una sombra cayó sobre el caminante como un manto al desplegarse. Salió de la sombra y la sombra volvió a abrigarlo al instante. Durante algunos momentos, la nube ocupó un lugar en el cielo, después, de repente, dejó de ocuparlo y Wilfrido Soto reapareció, su silueta era insignificante y casi irrisoria, bajo el resplandor de la calle un poco menos destruida ahora, algo más limpia, tocada por un dedo mágico con las primeras señales de opulencia de los barrios de ricos.
Pronto llegó a la altura de la Universidad, insolente y casi amenazante con sus ladrillos rojo vivo tras sus altas rejas abigarradas de amarillo. Unos metros más y, comenzaría para Wilfrido Soto un recorrido singular, por decirlo así, del otro lado de las palabras; unos metros más y su vida no sería sino un largo quejido lanzado sobre la indiferencia como esos aullidos nocturnos de los perros abandonados, uno de esos aullidos dirigidos a nadie pero que incomodan a todo el mundo porque corroen lentamente la poesía de los hombres hasta amenazar su frágil refugio de palabras y de música para fabricar sueños.
Al otro lado de las rejas, del buen lado de las palabras, la ciudad, como iluminada a plena luz por una multitud de reflectores, se preparaba a vivir su primer día de furor carnavalesco mezclando hombres y animales en un alboroto fenomenal, ensordecedor, mágico, en una palabra, indescriptible, y cuyo retumbar sordo invade las calles, los cuerpos, las cabezas, semejante a un ciclón gigantesco en el que la vida desaparece, aspirada bruscamente como un residuo vulgar.
El día en que apuñalaron a Wilfrido Soto, en el instante mismo en que el cuchillo se hundía en su carne, los lamentos de las flautas indias de mijo, el silbar contagioso de la gaita, el cosquilleo de los guaches y de las maracas, la estridencia de las guacharacas y una multitud de tambores extravagantes acompañaban la revuelta de hombres y animales que ya se tomaban por asalto las calles populares en medio de una ardiente nube de polvo, profanando la indolencia y entregándose sin vergüenza ni control a la maizena y al ron. En esta fauna de criaturas desenfrenadas, otras de apariencia más cristiana surgían abriéndose paso, allí estaban el torito, la serpiente, el tigre, el burro, el gavilán o el caimán, en medio de apariciones fantásticas y desconocidas como la marimonda, entrelazando el rojo y el amarillo con provocaciones gestuales reiteradas, o el garabato, representando, en una lucha furiosa entre la muerte y un valiente guerrero, la pronta e inexorable derrota de la carne. A esta invasión zoológica se le sumaba el diablo mismo, con su cuerpo rojo y velludo apareciendo detrás de los bailarines con sus tres rostros y sus dos grandes alas desplumadas de murciélago, completamente decidido a ensangrentar de alegría la mascarada.
El día en que golpearon a Wilfrido Soto, en el momento en que, ya tirado por el piso, recibía el primer batazo que le reventó los dedos de la mano izquierda, la masa humana, agitada por el alcohol y por un abandono frenético, bendecía el impulso de los instintos dejándose guiar por las melodías y el ritmo de las calles, y la ciudad entera se desbordaba de sus arterias, poseída por la pasión enfermiza del carnaval, como si sólo en él se concentrara toda la existencia. Ese día, el desatino era lícito, hipnotizado por el sonido de la papayera, cerrando almacenes e iglesias, impregnando la atmósfera de fritos de arepas y de caribañolas, estrenando sombreros de paja y ropa multicolor, saliendo de la casa con la intención de nunca más volver.
En el momento en que Wilfrido Soto fue arrastrado hacia la morgue, la alegría de cada uno se hacía contagiosa en el desfile de los grupos folclóricos, cumpliendo al pie de la letra el bando de la reina del carnaval: quien lo vive es quien lo goza. Entonces, la guerra de agua y las batallas de maizena no se hicieron esperar, las papayeras se animaron y no dejaron de sonar, alcanzando el paroxismo durante la danza de la guadaña.
No hubo sino cuatro albas en que el suelo de arena tembló como si hubiera llegado el fin del mundo, como si una onda gigantesca inundara las calles, yendo y viniendo, movida por una picazón de agitación que obligaba a todo ser vivo a perder el orden y la conciencia, desde la Plaza de Armas hasta la Calle de las Vacas y la placita de San Nicolás. Llevados por el fragor fascinante de aquel tumulto, los periódicos mismos, tan ávidos habitualmente de hechos macabros, no dieron inicialmente ni siquiera la sombra de una mirada a la tragedia de Wilfrido Soto. Sus columnas sólo se desbordaban con el río humano de bailarinas, adornadas como reinas, arrojando todos los colores de sus disfraces y de su alegría a lo largo de la Avenida Coruña.
Y sin embargo, simultáneamente, al otro lado de las cosas, el cuerpo abandonado como unos harapos, monstruoso pedazo de carne con cabeza humana arrojado por la marea sobre el que se había ensañado la infinita crueldad de los seres humanos, Wilfrido Soto renacía de la sombra a la faz del mundo: había pasado milagrosamente a través de la muerte como una virgen por sobre toda sospecha.
El carnaval atravesó la ciudad como un viento enloquecido, llevándose en su furor el anuncio mismo del milagro. Cuando retomó su respiración tranquila y dócil, hubo dificultad para oír el violento soplo que pronto debía estremecerlo. Bajo su indolencia costera, no es raro que unos hombres, unos adolescentes también, vengan a morir a puñaladas en calles estrechas y destruidas. Se les encuentra más tarde, tirados sobre montones de basura, carcomidos por las hormigas, devorados a medias por los perros o las ratas, con frecuencia irreconocibles. Lo cotidiano ya no conmueve cuando la vida sólo es un avatar destinado a la masacre, y la muerte, en lo que tiene de definitivo, de fatal, obliga a los vivos a agachar la cabeza y a callarse. Pero cuando la vida golpeada de esta manera rechaza ceder, cuando avanza a pesar de todo, ineluctable como un vientre maduro, lleva en ella una especie de orden que obliga a la mirada. Y entonces se vio por doquier, en los periódicos, en la televisión, imagen insostenible de la falta, el rostro tumefacto, el cuerpo doblado, aunque aún no quebrado, de Wilfrido Soto, salido de ninguna parte con sus mejillas hundidas, sus ojos negros de enfermo reventando por la fiebre y su mata de pelo oscuro que echaba hacia atrás con un gesto de desgracia. Oyendo martillar casi maquinalmente el relato de su milagro, con su voz ronca, fue como si se reconociera con horror nuestra propia ciudad, como si la viéramos plantada ahí frente a nosotros en una suerte de aparición espectral, como si esa historia, recogida primero con desdén e incredulidad, amenazara con perturbar la paz alegre y despreocupada que caía desganadamente sobre el mar.
Si, para el ciudadano honesto, el alboroto de la indignación no duró sino el tiempo de la diversión, para mí que fui un actor ciego, los apartes de testimonios y de documentos oficiales de la instrucción se siguen mezclando con mis recuerdos y con mi imaginación en el hedor de amargura que se arrastra hasta lo poco que como. Y si hoy decido juntar los pedazos dispersos de este bacanal de pesadilla para rearmar el espejo roto de la memoria, es probablemente con la secreta esperanza de que un milagro o de que una inesperada absolución lave mi culpa...

Chapitre 2

Diligencia de inspección judicial efectuada en las instalaciones de la Universidad, ubicada en la Avenida Coruña, Nº 172.

El 25 de febrero * * * *, según fecha y hora indicadas previamente, se constituyó en audiencia pública el Fiscal 6º en función con el fin de llevar a cabo diligencia de inspección judicial en las instalaciones de la Universidad, e inmediatamente envió copia a disposición del Juez de acuerdo con su secretario, los técnicos asignados y los inspectores de policía Efraín Cuello, identificado con la c.c. Nº 6.112.314 y Oscar Eugenio Ocampos, identificado con la c.c. Nº 8.516.251, con el fin de establecer la presunta comisión de un delito de homicidio denunciado en nuestro despacho por el inspector Efraín Cuello, arriba mencionado.
El denunciante, señor Wilfrido Soto, reciclador, indocumentado, sin lugar fijo de residencia, quien afirma haberse escapado de una cisterna llena de formol que se encontraba en la morgue de la Universidad y a donde, según afirma, unos vigilantes de la institución lo habrían llevado por la fuerza después de haberlo acuchillado y apaleado. El denunciante sostuvo que uno de los vigilantes lo habría invitado a entrar al recinto académico haciéndole creer que le regalaría unos cartones y chatarra. Después de haberse trepado a un muro que da a la calle situada al frente de la mencionada Universidad, el denunciante se refugió en la residencia del señor Gabriel Cerezo Hernández, Psicólogo delegado ante Bienestar Familiar, identificado con la c.c. Nº 8.735.108. Este último afirma haber recibido en su apartamento, el sábado 24 de febrero alrededor de las 16 horas, al señor Wilfrido Soto aún bañado en sangre como consecuencia de heridas causadas por arma blanca y por arma contundente. En estado de choque, la víctima se limitaba a decir: “¡Están matando gente allá en la Universidad!”. Inmediatamente, el señor Cerezo Hernández transportó al herido al Hospital General y lo animó a instaurar denuncia penal contra los vigilantes de la Universidad por tentativa de homicidio y secuestro.
Acompañados por la patrulla Halcón 2, el Fiscal 6º y los inspectores Efraín Cuello y Oscar Eugenio Ocampos dieron inicio a una minuciosa inspección judicial del lugar. En el costado izquierdo de la Universidad, al lado sur de la cancha de baloncesto, hallaron en el suelo huellas al parecer de sangre así como el rastro aparente de un cuerpo que habría sido arrastrado a lo largo de la cancha de baloncesto hasta el anfiteatro de la Universidad. Una larga mancha de pintura de color amarillo se extendía frente a la entrada del anfiteatro, presublimemente con la intención de borrar toda evidencia de las huellas anteriormente mencionadas. En dicha mancha de pintura amarilla, los investigadores hallaron huellas de llantas, al parecer de un automóvil, las cuales fueron fotografiadas inmediatamente. Diversos objetos de mantenimiento y tarros de pintura, entre ellos uno del mismo color del que se hallaba extendido en la entrada del anfiteatro, fueron encontrados luego de la inspección ocular en un depósito situado en la parte norte de la Universidad. Los auxiliares del cuerpo técnico confiscaron dicho tarro inmediatamente y tomaron fotografías detalladas y generales. Una nueva inspección ocular más profunda efectuada en el fondo de la parte norte de la Universidad permitió descubrir, entre un armario de vidrio vacío y pedazos de cartón forrados en Fórmica, un bate de madera fina, color blanco, de 75 cm de largo y 6 cm de espesor, cubierto de manchas de sangre en toda su estructura, más pronunciadas y visibles en su parte gruesa. Acto seguido, los técnicos procedieron a la toma de muestras de la sangre encontrada en la superficie de la presunta arma contundente con el fin de realizar un análisis comparativo con las muestras tomadas al denunciante quien se encuentra actualmente bajo cuidados en la base naval. Las muestras fueron empacadas debidamente con el fin de ser enviadas al laboratorio de medicina legal para prueba pericial. El objeto contundente se considera prueba y se agrega al caso. En un patio ubicado en esa misma parte norte de la Universidad, las autoridades de la policía descubrieron un tronco humano de sexo masculino, decapitado y amputado tanto un miembro inferior como los dos miembros superiores, reducido prácticamente a estado de momia al parecer por efectos del formol. El cadáver fue fotografiado inmediatamente por los auxiliares técnicos, enseguida se procedió a envolverlo y a enviarlo al Instituto de Medicina Legal para el respectivo examen. En este estado de la inspección hicieron acto de presencia los señores Saúl Ujueta Sanz, cédula de ciudadanía Nº 12.547.307, quien ocupa el cargo de Administrador de la Universidad, y Elkin Alirio Agudelo, Presidente del Consejo Directivo de la Universidad, cédula de ciudadanía Nº 11.767.391, quienes brindaron completa colaboración a las autoridades judiciales y de policía y les permitieron el ingreso al anfiteatro de la Universidad. Una rápida inspección del lugar permitió el hallazgo de numerosas manchas, al parecer de sangre, las cuales fueron fotografiadas por los auxiliares técnicos, en detalle y en conjunto, antes de tomar muestras minuciosamente en su empaque correspondiente y enviarlas al Instituto de Medicina Legal con miras a un nuevo examen pericial y para un informe final. Enseguida se halló, en la parte lateral izquierda del anfiteatro, cerca de una ventana con reja, un palo de 56 cm de largo y 5 cm de espesor, así como un cuchillo de cacha negra, de 18 cm de largo, cuya hoja estaba completamente cubierta de manchas aparentemente de sangre. Estos dos objetos fueron confiscados como prueba y se agregan al expediente. En este estado de la diligencia de inspección hace presencia el señor Salvador Eljarck Barcasnegras, cédula de ciudadanía Nº 4.155.899, y afirma a su llegada que él es la persona encargada de preparar y embalsamar los cadáveres y suministra a las autoridades judiciales y de policía las llaves de la morgue. Frente a la entrada de dicha morgue, justo detrás de la puerta, yacía un cuerpo sin vida en medio de un charco de sangre recién seco. Se hace evidente que la muerte fue provocada por traumatismo craneal abierto como resultado de varios golpes propinados aparentemente con objeto contundente. Al lado del cadáver, en la parte lateral derecha de la morgue, se encontraban tres (3) cisternas llenas de una sustancia líquida, aparentemente formol, en las cuales se encontraban amontonados varios cadáveres de sexos diferentes, en su mayoría decapitados y amputados los miembros inferiores. Las autoridades de policía procedieron inmediatamente a la extracción de los cadáveres y de la sustancia líquida. De dichas cisternas se retiraron diez (10) cadáveres, siete (7) de sexo masculino y tres (3) de sexo femenino, así como diversos restos humanos, para un total de cuatro (4) cráneos, veintitrés (23) miembros inferiores, ocho (8) miembros superiores, trece (13) cajas toráxicas, sesenta y siete (67) hígados o pedazos de hígados, tres cuartos (¾) de miembros, treinta y dos (32) costillas y cientos de huesos pequeños. En este estado de la investigación, teniendo en cuenta la cantidad de cadáveres, de miembros y de órganos, así como la imposibilidad de transportarlos al Instituto de Medicina Legal con miras a la realización de la autopsia correspondiente, el fiscal exigió la presencia oficial del médico legista en las instalaciones de la Universidad con el fin de llevar a cabo la necropsia en dicho lugar. Enseguida se procedió al levantamiento múltiple de los cuerpos, describiéndolos, enumerándolos por sexo, características morfológicas y lesiones observadas, así como a fotografiar los cadáveres, en fila e individualmente, con el número respectivo asignado y la prueba métrica, así:
Los diez (10) cadáveres acostados en el suelo frente a la morgue, alineados de occidente a oriente, todos en posición artificial de cúbito dorsal, cabezas hacia el sur, pies hacia el norte, enumerados de 1 a 10. El fiscal ordena a los auxiliares técnicos de la policía judicial tomar las huellas digitales y las fotografías de los cuerpos. Dado el avanzado estado de descomposición de los cuerpos y su momificación por efecto del formol, los auxiliares anteriormente mencionados declaran imposible la toma dactiloscópica y solicitan al médico legista la pulpa de los dedos con el fin de enviarlas a la policía judicial quien procederá a la identificación de los occisos.
Es este estado, se da por terminada la presente diligencia de inspección a las 18:25. En constancia se firma por quienes en ella intervinieron.

Comunicado oficial del Consejo Directivo de la Universidad. El Diario, 1 de marzo de ****

En relación con los supuestos hechos acaecidos el pasado sábado 24 de febrero en horas de la mañana en las instalaciones de la Universidad, el Senador y Presidente de la Universidad, señor Moisés Alexander Salomé, y los suscritos miembros del Consejo Directivo se permiten desmentir formalmente las informaciones tendenciosas aparecidas en la prensa en las cuales se afirma que en el anfiteatro de la Universidad se cometieron crímenes contra indigentes. Se precisa que la confusión surgió luego de una disputa entre los vigilantes de la institución educativa y unos sospechosos que pretendían penetrar clandestinamente en las instalaciones del Alma Mater, disputa que produjo algunas heridas a uno de los sujetos quien se apoderó de un arma blanca y de un objeto contundente con el fin de agredir a los vigilantes, como lo probaron las tomas de huellas efectuadas por el laboratorio técnico de la policía judicial. Por lo tanto, los suscritos redactan el presente comunicado y se permiten precisar lo siguiente:
1. Los diez (10) cadáveres hallados en la morgue de la Universidad hacen parte del material didáctico utilizado cada semestre para la práctica de anatomía y constituyen elementos esenciales de la enseñanza de la medicina.
2. Dichos cuerpos no corresponden a personas recientemente fallecidas, como algunos periodistas poco escrupulosos lo afirmaron, sino que fueron adquiridos legalmente por la Universidad al Instituto de Medicina Legal y a otras instituciones competentes, en conformidad con lo previsto por el decreto 3938 de noviembre del 79 que autoriza a las facultades de medicina a adquirir cadáveres, bien sea comprados o donados, para práctica de disección.
3. La exposición de cadáveres y de partes anatómicas presenta una imagen dantesca susceptible de producir al profano o al común de los mortales tanto horror como repugnancia, pero que, tan pronto es aclarado por la luz de la ciencia médica, se transforma en un material didáctico apreciado e indispensable para el progreso del legendario arte de curar así como para la formación de los futuros grandes maestros de las salas de operación.
4. La mejora de la calidad de vida y de los cuidados médicos depende de la triste, pero a la vez imprescriptible ayuda de estos seres anónimos cuyos despojos mortales, sujetos ya a la degradación natural, se conservan cuidadosamente con procedimientos y sustancias químicas, entre las cuales se encuentra el formol, con el fin de que los estudiantes puedan devolverle la salud a los ciudadanos del mañana.
5. Los hechos violentos informados por la prensa pertenecen a la investigación en desarrollo de la cual la dirección de la Universidad, interesada ante todo en la aclaración de los mencionados hechos, se declaró presta a brindar toda la ayuda y colaboración necesarias.
6. La Universidad -y su facultad de medicina- fue creada a comienzos de siglo con el objeto de mejorar las condiciones de salud del ciudadano y hace parte de la tradición democrática, libre, respetuosa y de defensa de los Derechos Humanos, según los fieles principios de su fundador. La Universidad siempre se ha presentado, y siempre se presentará, como una institución honorable y digna de su misión humanitaria.

6 de marzo de ****
Señor
Santander Montalvos
Fiscal 6º

Señor Fiscal,
En respuesta a su carta del 2 de marzo del presente, me permito comunicarle lo siguiente:
En los dos últimos años, bajo la dirección regional del Doctor Enrique Ritter L.L., no hemos recibido por parte de la Universidad solicitud alguna de cadáveres con fines didácticos o de investigación. El señor Sebastián Olibas, secretario principal, al servicio del Instituto de Medicina Legal desde hace más de 30 años, nos asegura que una vez efectuada la revisión de los archivos no encontró ninguna solicitud de esta indole proveniente de ese centro académico. En conclusión, el Instituto de Medicina Legal no ha entregado o donado cadáveres a la Universidad puesto que no se le ha efectuado ninguna solicitud en ese sentido. Por lo tanto, estoy en condiciones de afirmar que los documentos, cuya fotocopia me envía usted en anexo de su comunicación y entregados a las autoridades judiciales por el administrador del Alma Mater y en los que certifica legalmente la donación de cadáveres, no fueron expedidos por nuestro Instituto.
En cuanto a su pregunta de precisión en lo que respecta a las condiciones exigidas para la obtención de cadáveres por parte de las facultades de medicina, me permito confirmarle que el Instituto de Medicina Legal procede en conformidad con lo establecido por el decreto 3938 de 1979 expedido por el Ministerio de Justicia y del cual me permito transcribir enseguida los dos artículos que conciernen su solicitud:
3º Opinión del Instituto de Medicina Legal del turno de asignación y disponibilidad de cadáveres según el número de protocolo y las condiciones siguientes:
a) muerte natural sin signos externos de violencia,
b) muerte violenta con examen completo y autopsia,
c) conservación del cadáver por parte del Instituto de Medicina Legal durante más de 15 días sin haber sido reclamado,
d) procedimiento de identificación plenamente concluido asi:
necrodactilia, foto de filaciόn, carta dental, registro de prenda y señales.
5º La autorización de salida será dada por el jefe de sección y el patólogo del Instituto una vez cumplidas las condiciones enunciadas en los numerales 1º, 2º, 3º y 4º ; el cadáver será entregado en un vehículo autorizado de la Secretaría de Salud al responsable de la Universidad debidamente acreditado.
En conclusión, en relación con las precisiones arriba mencionadas, el Instituto de Medicina Legal no entiende cómo la Universidad tiene en su posesión restos de personas fallecidas por muerte violenta durante el mes anterior, según lo corroboran los informes de la autopsia, sin que se haya efectuado ni el respectivo levantamiento ni la necropsia exigida por la ley.
En espera de haber respondido oportunamente a su solicitud y en el interés del Instituto de Medicina Legal de colaborar con la justicia, me suscribo.
Cordialmente,

Firma : Ever D. Beltrán
Director Regional
del Instituto de Medicina Legal

Diligencia de reconocimiento en fila de personas
1º de marzo de ****

En colaboración con las autoridades penitenciarias, el fiscal solicita la presencia de seis personas de apariencia física similar a la del sindicado y les pide que se ubiquen en fila e informa al sindicado que puede escoger el lugar que desee dentro de la fila. El denunciante está ubicado en un lugar que no le permite observar a las personas en fila ni tampoco éstas últimas pueden observarlo. El señor fiscal resalta la presencia del abogado Carlos Elkin Arellano, parte civil reconocida y encargada de la defensa de los intereses del denunciante, señor Wilfrido Soto. Inmediatamente se procede al interrogatorio del denunciante de la manera siguiente:

Preguntado: ¿Puede usted describirnos físicamente a la persona que, según usted, lo invitó a entrar a las instalaciones o al interior de la Universidad con el fin de recoger unos cartones y chatarra en la mañana del 24 de febrero del presente año? Igualmente, ¿puede usted describir a las personas que atentaron contra su integridad física con arma blanca o contundente? Contestó: Era un hombre, estoy seguro, un hombre no muy alto, más o menos gordo. Recuerdo que tenía puesta una camisa roja. No puedo describir a los que me golpearon pero, si me los muestra, de pronto podría reconocerlos. También vi a un tipo sin camisa con pantalón color café que salía del patio de la Universidad. Parecía alguien que acabara de levantarse...

Canal Nacional 1
2 de marzo de ****

Nuevos hechos en el macabro caso de la Universidad. El vigilante Jesús Yidi Caicedo y Salvador Eljarck Barcasnegras, preparador encargado de embalsamar los cadáveres fueron identificados formalmente por el reciclador Wilfrido Soto como las personas que lo invitaron a entrar al recinto académico y que después lo apuñalearon y lo golpearon con un bate el pasado 24 de febrero. Inculpado inmediatamente, el preparador habría reconocido haber matado indigentes, recicladores y personas con problemas mentales, para venderlos a la Universidad. Igualmente, acusó al administrador del Alma Mater, señor Saúl Ujueta Sanz, como la persona que le pagaba entre 80 y 130 mil pesos por cada cadáver entregado, precio establecido según la edad y el estado de conservación del muerto. Las autoridades judiciales evitaron cualquier comentario sobre estas acusaciones. Por su parte, el Consejo Directivo de la Universidad no dio explicaciones satisfactorias respecto a la obtención de los cadáveres encontrados en el anfiteatro. De otro lado, el director regional del Departamento de Medicina Legal reiteró que desde hace dos años ese centro de estudios superiores no ha cumplido ninguna de las condiciones exigidas por el organismo encargado del suministro de material de disección a las facultades. Los funcionarios de la fiscalía prosiguen las excavaciones emprendidas en el patio de la Universidad con el fin encontrar los restos humanos que, según una hipótesis formulada en los medios judiciales correspondientes, podrían haber sido enterrados por los vigilantes de la institución académica. En la actualidad, el reciclador que permitió descubrir el escándalo se recupera de sus heridas en la base naval. Osvaldo Mendoza lo entrevistó para Canal Nacional 1.

- ¿Lo están atendiendo bien en este centro asistencial?
- Sí... sí... Estoy protegido por agentes de la policía nacional.
- ¿Y sus heridas?
- Mejor... Estoy mejor... Esta mano todavía me duele mucho...
- Fracturas, ¿No?
- Sí...
- ¿Lo golpearon ahí?
- A batazos...
- ¿Podría contarnos los hechos que se presentaron el sábado pasado en la Universidad?
- Pues... Fue en la mañana... como a las 10... Yo... había decidido ir a recoger las latas de cerveza en la batalla de flores... Iba pasando frente a la Universidad cuando un celador me llamó...

Chapitre 3

(…)
Cuando regresaron a Rebolo, comenzaron a pelear. El Cachaco decía que por fin las cosas iban a cambiar gracias a que estaban hablando de nosotros así. Yo no estaba de acuerdo.
- Tenemos que hacer que nos olviden, parecernos a la lámpara de una esquina demolida por donde ya nadie pasa, ni siquiera un perro para mearle encima. Y si nos quedan ganas, hay que vomitarles en el camino de la nada al borde de ninguna parte esperando que se nos quiten las ganas y que ni siquiera nos apeguemos a un espacio en medio del placer. Cuando perdemos, todas nuestras tentaciones son forzosamente susceptibles de mandarnos a la cárcel. Entonces, si el mundo nos deja antes de que nosotros lo hayamos dejado, podemos decirnos que alcanzamos la tranquilidad. Les digo que la tranquilidad es encontrar su lugar y mantenerse en él.
¡Los muy bestias me trataron de viejo güevón! Aún son demasiado jóvenes para que sepan resignarse cuando hay que hacerlo. Además, también Wilfrido confunde sus impulsos con las verdaderas necesidades. No se ha quedado el tiempo suficiente en un mismo lugar para darse cuenta cómo son en realidad los hombres cuando el tiempo les ha quitado la ropa prestada y quedan en cueros, feos y sucios; por eso, todavía hace muchas cosas que no sirven para nada. Su imaginación lo hace perder entre meandros y lo desconocido lo impulsa sin cesar a buscar en otro lado, cada vez más lejos. No te metas en la boca del lobo, le repetía, nosotros no podemos jugar, simplemente porque no tenemos derecho a perder. Confórmate con una partida de dominó ¡y ve a mojarte el culo para encontrar qué comer! Pero esa mañana, cuando llegó a la tienda, con los ojos completamente estropeados por la noche, como si todo lo negro hubiera pasado por sus párpados, parecía tan furioso como una mujer a la que se hubiera expulsado de la cama. No me atreví a proponerle una partida de dominó. Se tomó la cerveza de un solo sorbo y se fue a pescar en aguas turbias y a aguantar puñaladas por otro.
Wilfrido logró, a pesar de todo, armar un gran escándalo ante las autoridades. Su historia molesta a todo el mundo y ya no saben qué hacer con ella. Es eso precisamente lo que me preocupa. Además, ahora hay gente que se interesa en nosotros. La prensa ¡y hasta los políticos! Al parecer, nos están apoyando. Todo esto huele verracamente mal. Cuando las autoridades se ponen a pensar en nosotros y cuando resultan insultándose entre ellas, es señal de que vamos a terminar pagando el pato y que la cuenta nos la endosarán a nosotros. El culpable siempre termina siendo el que conviene a todos. Ya todos nosotros estamos predestinados a la masacre, todos, como en una corrida de toros. Van a arrojarnos al pueblo con pitos y flautas para provocar la euforia antes de las elecciones. Al final, si no nos matan a todos, la gente va a decir que las autoridades no sirven para nada y que a la policía se le paga para que no haga nada.
Una tarde, al regresar a Rebolo, ya algunos estaban diciendo que había que organizarse, que hiciéramos valer nuestros derechos. Debió ser el trabajador social que les lavó el cerebro y, además, todos esos periodistas que les dio de pronto por interesarse en cómo vivimos. Les interesa sobretodo El Cachaco. Aquí se volvió famoso porque le cuenta, a quien quiera escucharlo, que él no cayó en la trampa de los celadores y, en lugar de ir a buscar cartones, se la pasa buscando oídos para soltarles su historia. Y como los periodistas lo saben, vienen de todos lados. Son orejas de las que apenas escuchan, de las que se retractan, de las que cuelgan. Oídos de imbéciles que se tragan los cuentos de El Cachaco para vender periódicos de mierda con los que se nos volverá negro el culo de tanto limpiárnoslo.
- Por ahí cinco días antes de que se descubriera la masacre, me llamaron en el andén frente a la Universidad, en donde me la paso siempre, más o menos a las nueve de la noche. Eran los celadores que me preguntaban si quería entrar para recoger unos cartones. En el momento creí que eran policías porque tenían uniforme y todos los instrumentos musicales en la cintura. Me preguntaron si tenía familia. Tengo cuatro hijos y una hija de dieciséis años. Murmuraron algunas palabras que no alcancé a oír. ¿Tienes documentos de identidad? Claro, soy reservista del ejército. Entonces, me dijeron que todos esos cartones eran para mí pero que tenía que volver a buscarlos más tarde, como a medianoche. Además, que me iban a dar otros cartones. ¿Y por qué no me los regalan ya? les pregunté. Porque los celadores de allá son unos sapos* y te denunciarían. Ante eso, me dije: Cachaco, hombre, si de verdad alguien te quiere dar un regalo, te lo da inmediatamente o si no, ahí hay gato encerrado*. Si yo no hubiera reflexionado un poco en ese momento, ahora estaría ahogado en formol...
¡Es un imbécil! Mientras más repite su historia, menos la entiende. Los demás se sienten obligados a agregar algo para estar a la altura. Hasta la Chicholina encuentra ahí un nuevo pretexto para mostrar sus nalgas con una versión original:
- Un día, El Tío me dijo que iban a regalarle cartones en la Universidad. Quería que lo acompañara pero no quise porque me dolía mucho la pierna. Mi pierna me salvó, ¡gracias a Dios! Cuando vi su cadáver entre todos esos muertos, hacía ya unos seis días que no lo había vuelto a ver. ¡Esta pierna fue la que me salvó! ¡Me salvó! Repetía sin descanso la Chicholina mientras se levantaba hasta el culo la falda sucia y se acariciaba la pierna derecha como queriendo agradecerle. Los demás le dicen riéndose, con un tonito lúbrico, que seguramente fueron sus nalgas quienes la salvaron. ¡No! ¡No! ¡Fue mi pierna! ¡Gracias a Dios! Les contesta con seriedad, aumentando el amor por su miembro adorado. ¡Va a terminar por darle dulces a su pierna, la muy loca!
Antes éramos felices como marranos en la mierda; pobres, sí, pero como no había ni periodistas ni trabajadores sociales que nos lo dijeran, entonces ni siquiera pensábamos que éramos lechoncitos sucios. Si de vez en cuando uno de nosotros desaparecía del medio, ni nos pasaba por la cabeza que lo hubieran metido en un tanque de formol. Pensábamos que se había ido a buscar a su familia o que se había instalado en otro barrio y lo olvidábamos rápido entre canciones y trago. Ahora que sabemos qué era lo que pasaba, ya no es tan fácil, sobretodo con el Trabajador Social que quiere abrirnos los ojos repitiendo que estamos confundiendo el bien con la resignación. ¡Tan marica!
- No venga a jodernos la vida con sus derechos, le dije al tal Cerezo, ¡usted sólo es una larva inmunda! ¡Mientras que usted está tirando* en el bello mundo, a nosotros nos dan por el culo! Usted está ahí, parando oreja y después va a las oficinas a arrastrarse como una babosa para que le paguen. Puede que usted sea psicólogo pero con sus teorías flojas nunca entenderá nada de Rebolo. Póngame bien cuidado: entre ustedes, cuando un man se corona la mujer de otro, todo termina con una terapia de grupo. Pero aquí, entre nosotros, le abren la barriga como a un marrano y lo estrangulan con sus propios intestinos. ¡Ábrase* de aquí antes de que lo volvamos salchichón!
Ayer, los demás vinieron a verme donde la gorda Josefina. Nuestra disputa los había perturbado. Querían hablar, pedirme consejo. ¡Consejos para qué! La verdad la metieron en el museo hace marras y hay que pagar para verla, además ya está demasiado cara como para satisfacer el apetito de la conciencia. Cuando uno no es nada, hay que conformarse con la mentira o con el silencio. Antes me consultaban con respeto y hasta me traían de comer porque soy el más viejo de todos y porque había hecho estudios antes de venir a Rebolo a medir calles. Ahora, les importa un comino mi opinión. Sólo buscan mi aprobación. Este problema nos está dividiendo. Presiento que va a terminar mal.
Traté sin embargo de hacerles entender que estaríamos tranquilos tanto tiempo como el administrador de la Universidad estuviera pasando las duras y las maduras*, es decir que las moscas hubieran encontrado por fin su vaca, y que no había que andar removiendo olores.
- Sólo somos una mierda, sólo somos bollos de mierda. No apestamos más que los otros pero si nos cagan en donde moleste, ahí en donde se corre el riesgo de que nos caminen por dentro, todas las moscas van a cambiar de vaca y tendremos un montón sobre el cráneo. ¡Eso es lo que va a pasar con sus derechos! Y cuando ya hayan dado su golpe con muchos cadáveres alrededor, los estudiados se devolverán y les caerán encima y ustedes se habrán enmugrado las manos por ellos. Los estudiados siempre tienen la última palabra, esa es la primera ley social y es la única que importa...
El problema con el hombre es que no escucha, oye pero no escucha.
- Detrás de toda esta mugre hay un Señor, contestó El Cachaco, enderezándose con orgullo y estirando su vieja camisa mugrienta y raída para mostrar orondo su pecho.
- ¡Un Señor! Repuse. ¡Un Señor que va a Barlovento a comprar basuco y que ahoga su cerebro en alcohol antiséptico con la poca plata que le queda!
- Estamos de acuerdo, Abuelo. Tengo muchos vicios, pero lo que está mal, está mal, con o sin vicios. ¡Nunca he matado a nadie, soy una persona decente y todo el mundo lo sabe!
Los demás asintieron.
- ¡Lo sé, Cachaco! Sé que usted es todo un Señor, pero la autoridad y la gente no llaman a eso un Señor. A quienes no nos ponen entre el perro y el lagarto ya los consideran progresistas peligrosos. Recuerden esa ocasión, debajo del puentecito de Cudecom...
Cada vez que un camión pasa encima, temblamos de pies a cabeza, pero generalmente uno abre un ojo y se vuelve a dormir. Esa noche, un carro de bomberos paró con una sirena estridente que agredía el silencio brutalmente y pusieron todas sus luces contra nosotros. Entonces, los tipos se divertían mientras gritaban:
- ¿Y luego ustedes no están en la Universidad recogiendo cartones?
La Chupa Chupa, sacando algo de lucidez de las brumas de alcohol que la habían hundido como en un coma, contestó el ataque:
- ¡Pues manda allá a tu madre, marica!
- ¡Ve a que te coman los celadores, hijueputa!
Al final, fue El Mugre quien tuvo la última palabra:
- ¡Esa hijueputa bien pudo haber sido tu madre, gran malparido!
Los tipos se fueron por la Calle de las Vacas con un ruido ensordecedor. El Mugre volvió a acostarse suspirando: “¡Bomberos sin oficio!” . El resto, todavía adormecidos, se rieron y todo el mundo volvió a dormirse como si nada de lo que había pasado tuviera importancia. ¡Para qué explicarles!
Sin creer mucho en ello, les volví a contar la historia de los coyotes que ya le había contado a Wilfrido para que dejara de despedir su olor en lugares inadecuados y a plena luz del día:
- Cuando una hembra de coyote está en calor, antes que nada se deja tirar por los machos. Luego, se va a vagar alrededor de un pueblo para que todos los perros olfateen su olor. Entonces, los perros se vuelven como locos y se le pegan a la cola. La hembra se los lleva lejos del pueblo, escoge uno de los perros y se lo lleva, solo. En ese momento, los demás coyotes le caen y se comen el perro. Así es como se alimentan los coyotes. Les aseguro que los hombres también hacen así, y el Trabajador Social no es la excepción...
Wilfrido, aprobando, decía que yo tenía razón, pero creo que en el fondo se sentía mal por no ser sino un lechoncito sucio, sobretodo por las mujeres que ya no lo miraban o porque se hacían las que no lo veían.
- ¿Y el amor, Abuelo, no piensas en el amor?
- ¡Ah, el amor! ¡Es un fuego que devora! Y, luego, con el tiempo uno se da cuenta que las ganas de cagar son más fuertes. Entonces, el amor pierde su atractivo y uno termina por no creer más en él.
- Eso es precisamente lo que pasa con las mujeres que uno ama tanto que le da miedo tener recuerdos. Haría mucho daño con todas esas pesadillas que nos esperan al caer la noche. Es estúpido ¿No?
- ¡Oh! Sabes que yo nunca he aceptado la idea que puedan amarme, es como si tuviera la impresión que aman a otro diferente a mí, que me pusieran los cachos conmigo mismo.
- Probablemente tienes razón, pero créeme que cuando uno se siente como una tina cuya agua se escapa, sólo hay una cosa capaz de levantarte: pensar que hay una mujer que te está esperando en alguna parte, una mujer que todavía no conoces. Te la imaginas ahí, la ves, bien linda y todo, con su piel suave y sus senos firmes, acogedores. Te la imaginas atravesada en tu camino, fatalmente, Abuelo, fatalmente, aún queda una mujer por encontrar. Entonces, inclusive si te han quitado todo y te estás muriendo solo en la ruta ¿qué diablos puede importarte?
- Pues, después que he logrado tener una mujer, nunca he logrado comprender por qué era que la deseaba. Es algo raro, pero nosotros también somos bien raros. Podemos reflexionar, tener fuerza de voluntad, recurrir a la experiencia, pero tan pronto se nos cruza otra mujer, volvemos a lo mismo. Somos como perros detrás de las mujeres.
- ¡En eso estamos completamente de acuerdo! Mientras que haya algo de esperanza con una mujer, no se está del todo en la oscuridad, queda como una lucecita para ir tras ella.
- Eso pasa en los buenos barrios, Wilfrido sólo en los buenos barrios. ¡Aquí, las mujeres son la porquería de la procreación, perras calenturientas de vagina insaciable! Sería mejor que te pegaras un parche en las pelotas, si no, van a salirte renacuajos de cualquier hueco como ratas de alcantarilla. Créeme, lo que mejor olfateamos es el olor de la mierda ¡nada más ni nada menos que el olor de la mierda! Y en medio de la mierda estás hasta las narices. ¡Ya no necesitas hacerte más preguntas!
A Wilfrido no le gustan mucho este tipo de comentarios. Hay que decir que yo le agrego algunas cosas porque él es muy dado a perderse entre las palabras y a mí a veces me queda muy difícil no perderme con él. Las palabras lo llevan a uno muy rápido hacia el delirio, así no más, sin parecerlo, y al despertar nos vemos muy güevones tropezando en el bebedero con todo. ¡No tenemos derecho a soñar, es asunto de sobrevivencia! El problema con Wilfrido es que siempre termina hablando de las mujeres como si fueran la solución a todo. ¡Ese es su delirio!
- Yo por lo menos creo que una mujercita que uno tiene para uno...
- Mira Wilfrido, no hay que creer ni dejar de creer. No hay salida posible. Primero que todo, es mejor callarse. Es de sabios callarse. Todo el mundo tiene una opinión como todo el mundo tiene un hueco como culo. ¿Tú le mostrarías tu trasero a la gente? ¿Lo harías? A la gente no le gustaría tu trasero, ¡sobretodo si allí está la verdad! ¡Guárdate tus ideas y tus opiniones escondidas en tus pantalones y siéntate encima si se vuelven muy pesadas! ¡Que no molesten a nadie aunque de vez en cuando te piquen el culo!
A pesar de todo, entiendo a Wilfrido, con su deplorable necesidad de engullir su dosis de delirio cotidiano. ¡Tragar carroña, vaya y venga! Pero ya no poder ni siquiera mirar de reojo a esas bellas criaturas hechas para ricos ¡es un suplicio! El clima tiene un gran efecto sobre la sexualidad y es peor durante el carnaval. Las hormonas se toman el poder. ¡El gran descaro nacional! Cremalleras abiertas, hormonas enloquecidas ¡y hágale! Algunas hembritas de buenas familias se disfrazan de reinas bastante desvestidas para lanzar sonrisas y flores en las carrozas en medio de una muchedumbre de estúpidos babeantes que visten el alma de deseos durante todo un año pero que por lo menos cambian las putas viejas vestidas con harapos que también se ven aquí con sus mejillas huecas y almidonadas que le dan a uno ganas de llorar cuando le sonríen.
¡Y mientras tanto los demás güevones con sus reivindicaciones!
- ¡El populacho, carajo! Somos el populacho ¿entienden? Una turba agresiva y abyecta. ¡Desgraciados son cuando expanden su miseria depravada fuera de su territorio! Como vinieron al mundo medio muertos, no les queda sino media vida, un pequeño resplandor en medio de la ventisca, una lucecita que pueda apagarse con un chasquido de los dedos de aquellos que están arriba, una banda de malparidos. No pueden hacer nada contra la otra mitad de vida, todo depende de la astucia que se ponga para seguirla manteniendo y no estar en el lugar equivocado. El problema es que lugares correctos hay pocos y no hay para todo el mundo. No crean que el señor Serio y la señora Refinada van a darles el puesto de ellos; conténtese con no despertarse en un tanque de formol...
Discutieron entre ellos durante un rato, gesticulando y alegando en la esquina de la calle sombría. Se oía más a El Cachaco cuya voz vibraba como una hoja de cuchillo: “¡Y que ya no sigan viniendo a buscarnos los piojos, si no, tomamos el asunto en nuestras manos y los matamos a todos!”. Luego la oscuridad los invadió a todos, primero a un grupito, después a los demás, construyendo planes rocambolescos mientras empujaban sus carritos esferados que rechinaban en medio de la noche como si fuera un ejército de grillos. Solo El Chamberlain y El Mugre vinieron a tomar un poco de alcohol en la tienda bajo la débil luz pálida del neón:
- He pensado en lo que pasó allá en la Universidad, y mientras más vueltas le doy, más me parece sin sentido. No sé cómo decirlo...
- Es porque no parece cierto.
- ¡En eso tienes razón!
- Fíjate que hay cosas que llegan así no más y uno no puede hacer nada. Qué le vamos a hacer, es superior a nosotros, son vainas que se nos salen de las manos. Uno le da vueltas y vueltas al asunto, pero no entiende nada. Es exactamente como cuando se tiene una pesadilla. Pero a veces da pavor porque, si se reflexiona un poco, uno se da cuenta que, en el fondo, es poca cosa. Lo que le pasó a El Piojoso también te habría podido pasar a ti. Estás en el lugar equivocado en el momento equivocado y ¡zas! ¡Ya no existe El Mugre! ¡Desapareció!
- Además, El Piojoso tuvo suerte ¡pero y los otros! Es normal que estemos hablando de todo eso, lógico, pero tarde o temprano habrá que olvidarlo todo y contentarse con lo que se tiene.
- Y no podemos hacer mucho...
- ¡Hacer mucho! ¡Querrás decir que no podemos hacer nada!
- ¿No crees que más bien hay que sacar el mejor provecho mientras dure la situación?
- ¡Completamente cierto!
- ¿Te da miedo morir?
- ¡Claro que me da miedo! Sólo que no me la paso todo el tiempo pensando en eso, así la puta muerte nos llevará pronto ¡créeme!
Luego, se callaron y sólo el silencio se quedó con ellos. Escasamente se les oía deglutir el alcohol en un débil sonido de tripas. Los encontré en la mañana en el mismo lugar, eran dos masas de pelo taciturno en forma de roscón, desplomados bajo la mesa entre botellas caídas. Sacudí los cuerpos exhaustos con la punta del pie:
- ¡Oigan, pelaos*! ¡Es hora de ir a recoger cartones a la Universidad!
El Chamberlain, iracundo, lanzó una botella que se estrelló contra la mesa, y volvió a caer en su coma etílico. Por lo menos quedan dos filósofos en este barrio delirante, me dije. Quedé más tranquilo.
Los demás sólo volvieron a aparecer al finalizar la tarde, llenos de esperanza y de orgullo en sus carritos esferados. Al verme, El Cachaco abrió los brazos como si quisiera extenderlos al infinito, al igual que un Cristo resucitado buscando la crucifixión y entrar por la puerta estrecha de la inmortalidad.
- ¡Oiga, Abuelo! Desde ahora les toca respetarnos.
- ¿Y eso por qué, Cachaco? ¿El mundo cambió hoy?
- ¡Cambió, Abuelo, cambió! Fuimos recibidos por el Secretario de Gobierno... Bueno, recibió a tres de nosotros como portavoces: a la Chicholina, a un colega al que llamamos El Car’evieja, un tipo bien que viene de La Chinita y a mí...
- ¿Y qué pasó?
- Nos prometió toda la ayuda y la protección que necesitemos y además que va a contactar a algunas empresas públicas y privadas para que nos den un lugar para dormir. Inclusive, que va a hacer un censo con la ayuda de la policía y del ejército con el fin de contar con precisión los indigentes que hay en la ciudad. Fue eso lo que dijo el Secretario ¡al pie de la letra!
- ¿Eso fue lo que dijo?
- Exacto.
- Cuando un gigante se sienta al borde del camino, los enanos creen que están a su altura.
- Te equivocas, Abuelo, la semana entrante tenemos que reunirnos otra vez para concretar la reunión de hoy.
El Cachaco se sentía tan importante como un jefe de Estado porque se había sentado durante un momento en la oficina del Secretario. En medio de los aires de orgullo que lo enceguecían, El Cachaco creía estar abriendo un amplio camino para el gremio de los indigentes. Yo sentía un poco de tristeza y de pena al hacerle entender que no era sino un estrecho sendero lleno de barro que volvería a ser invadido por la vegetación tan pronto los pasos del escándalo dejaran de pisarlo. Me contó también que después se reunieron para protestar frente a la Universidad. Inclusive, que tanto estudiantes como profesores protestaron con ellos. Estaban exigiendo el derecho a la educación, el derecho al trabajo y se oponían al cierre de la Universidad.
- Derechos, Cachaco, todo el mundo los exige, pero el problema es que no hay para todos. Y el verdadero problema en este asunto es que los derechos de los estudiantes y de los profesores se oponen a los nuestros ¿entiendes, Cachaco? ¡Te apuesto una botella de aguardiente a que no van a cerrar la Universidad!
- ¡Nos importa un comino que la cierren o no, Abuelo! Lo que queremos es justicia por nuestros compañeros asesinados. ¡Y que nos respeten, que nos respeten de una vez por todas!
- Oye, Cachaco, si no cierran la Universidad querrá decir que no condenan a la institución. Simplemente van a señalar a uno o dos culpables que no incomoden a nadie y luego ahogarán el problema para no manchar la reputación de ese prestigioso centro académico ¿sí entiendes? En esta ciudad, existen centenares de médicos egresados de esa Universidad que temen perder sus pacientes, decenas de profesores que se indignan con el tratamiento vergonzoso destinado a los indigentes pero que sobretodo tienen temor de venir a engrosar las filas de desempleados, un millar de estudiantes asustados por el respaldo de sus diplomas y por su futuro, que ya tienen planeado con una mujer encantadora y delicada, con bellos chiquillos rosaditos y radiantes en sus vestidos claros, y eso sin mencionar a los políticos que...
- ¿Y acaso nosotros cuántos somos, Abuelo? ¿Cuántos somos incluyendo a los de Las Colmenas, La Luz, La Chinita y Barlovento? ¡Somos miles, Abuelo, miles listos para la rebelión! ¡Esa es la realidad!
- La realidad, Cachaco, la realidad aquí no existe. Por mucho, es un sueño de alcohol o de basuco; o peor aún, es una vaina llena de ilusiones y de frustraciones que pones en medio de tí y las cosas para hacerte avanzar, al igual que se pone una zanahoria frente a un burro. Y no sabes en qué mierdero vas a caer dejándote llevar por esa realidad. Cuando uno tiene las estrellas, para qué pedir la luna...
- ¡Pedir la luna! Somos indeseables en una sociedad que prefiere vernos muertos, queridos colegas, a mis amigos los asesinan y sus órganos son reemplazados por bolsas plásticas ¡y nosotros pidiendo la luna! ¿Quién va a respondernos por eso? ¿Quién va a responder?
- Nadie, Cachaco, nadie...
- Entonces, dime una cosa, Abuelo, dime ¿cuánto vale uno si se deja asesinar bajando la cabeza para facilitarle el trabajo al verdugo? ¿Cuánto vale uno, dime? ¡Ya ni siquiera hombres somos!
- Vivos, no valemos nada e incomodamos a todo el mundo. Muertos, valemos 130 mil pesos y ayudamos a la ciencia. Contra esta verdad, Cachaco, todos los discursos y las promesas, la moral y las leyes, no valen siquiera tu camisa vieja y mugrienta...

Chapitre 4

Dormir.
El sueño es una sucia necesidad que nunca te deja tranquilo, especialmente cuando no quiere tomarte bajo sus alas por causa del miedo que llega a pesar tanto que te oprime contra el duro suelo. El miedo que ya no te abandona desde que Rafael te confirmó el rumor. ¡Piérdete, Wilfrido! ¡Vete pronto de aquí! Ya te tienen señalado. Hay dos tipos en moto que están rondando por el barrio y andan preguntando por ti. Parece que están pagando la información. ¡Esto huele mal, Wilfrido! ¡Piérdete! Los malparidos quieren quebrarte. Ellos dicen que no, que te están apoyando, ¡pero vas a ver! Dentro de poco, uno de esos hijueputas se cansará de su miseria. Va a pagarse mejores tiempos gracias a tu cadáver. ¡Piérdete, te digo! Corres a lo largo del canal para esconderte en donde sea y retomar el aliento. Miras alrededor. Calle 24. Otras tres cuadras y enseguida a la derecha. Deslizas los ojos fuera del rincón en el que te encuentras. No hay nadie. Corres de nuevo buscando la rara sombra de los aleros hasta esa fábrica abandonada que Rafael te indicó. No tiene pierde. En la pared del frente hay un letrero en letras azules que dice ECCOTEX. ¡Ahí está! Una de las ventanas tiene los vidrios rotos. Entras. Algunos montones de chatarra, de escombros. Mucho polvo. Vas a tomar la escalera y en el rincón del fondo verás un hueco. Deslízate hacia el interior y quédate ahí uno o dos días. Luego, piérdete de aquí, Wilfrido, ¡piérdete lejos de aquí! Hay unos ladrillos caídos que dejan ver una estrecha grieta cerca del muro. Te arrastras. Tus ojos no se han acostumbrado aún a la oscuridad que oyes moverse frente a ti. Sientes la presencia de alguien. Algunos segundos y distingues una mano quitando un montón de cartones, después aparece un rostro de mujer, casi esquelética, con la piel tan ajada como una manzana podrida. La mujer te mira como a un intruso y con los ojos pregunta quién eres. Tú la miras mientras piensas: es bastante vieja, va a colgar los guayos dentro de poco. No hay razón para tenerle miedo. ¿Te estás escondiendo, pelao*? ¡Cállate vieja bruja y ni te atrevas a moverte de aquí!

Desapareció bajo los cartones y tú te acostaste atravesado pensando que. Sí. Dentro de poco va a hacer dos años que Ticha murió. Dentro de poco va a hacer dos años que no sientes en la noche el olor de una mujer a tu lado. Ese calor estimulante que lo hace deslizar a uno en la oscuridad con una especie de satisfacción del alma y del cuerpo. ¡Y te encuentras preciso con una vieja a punto de morir! Te gustaría reírte de esa situación pero tu risa se convierte en una mueca. Esa presencia a tu lado te trae el recuerdo de Ticha. Un recuerdo demasiado vivo. El sueño que no llega. ¿Quién podría delatarte? ¿El mugre? No. Seguro que no. Aunque. ¿Cuánto están ofreciendo por tu vida? ¿100 mil? ¿130 mil, como en la Universidad? ¿De pronto ahora ofrecen más? ¿Y tu qué harías, Wilfrido? ¿Matarías por 130 mil pesos? ¡Claro que no! ¡Matar a Rafael! Te avergüenzas de que esa idea te haya pasado por la cabeza. ¡Completamente imposible! ¿200 mil? Tampoco. Estás seguro. Esa plata quemaría tu conciencia. ¿250 mil? Ni siquiera eso. ¿Cuánto vale tu conciencia, Wilfrido? ¿Cuánto vale el silencio de ellos? ¿Qué decir de El Mugre? De pronto. Ah, ¿Ves? Como todo, cada conciencia tiene sus límites. Por 300 mil, sí, de pronto serías capaz de matar a El Mugre por 300 mil. ¡300 mil! No eres más honesto que los demás, Wilfrido, sencillamente eres más orgulloso. Pero, después de todo, El Mugre no te ayudó nunca y, además, sería capaz de matarte por mucho menos. Ya estás convencido. ¿Por qué perdonarlo si él no te perdonaría? Con 300 mil pesos podrías comprarte una finquita y volver a empezar. Volver a empezar. Como antes. Te imaginas la mecedora y tú balanceándote, tranquilamente, ligeramente. El viento, la calma, el bienestar. La mujercita está ahí, sentada cerca del marco, como lo hacía Ticha, en la tarde, cuando el cielo se teñía de cobre de arriba abajo. Ticha, con su mirada dulce, que canta, que canta, empujando con un movimiento de mano sus. Su perfil se desvanece. Vas a perder su imagen. Un último esfuerzo para retenerla. Imposible. Sólo puedes percibir una atmósfera de bruma llena de cosas extrañas y de formas vagas que no se quedan fijas. Que ya no tienen nombre, van y vienen y desaparecen en un enredo de líneas geométricas. Pronto sólo quedará una línea amarillenta esparciéndose en el cielo. Abres los ojos. Definitivamente, no puedes dormir. Escuchas los ruidos de afuera tratando de identificarlos. En un lado, es un perro ladrando. En otro lado, el zumbido de una. ¡No! Parecer ser más bien una moto. ¿En qué calle? De seguro no es en la Calle de las Vacas. ¿Qué vendría a hacer una moto, en la noche, en la Calle de las Vacas? ¿Y si fuera? No. A esta hora no. Probablemente no. Y todo vuelve a quedar en silencio. Silencio cargado de mil ruiditos confusos. Cercanos. Lejanos. Silencio que se oye. Que se escucha. Que escruta. Y esa vieja que está durmiendo al lado y que sólo existe para su respiración ronca e irregular, como el tipo aquel que agonizaba en. ¡No! No quieres pensar en eso. No debes pensar en eso. ¡En especial, no debes pensar en eso ahora! No pensar en nada. Sólo hay que dormir, aprovechar el resto de la noche para recuperarse. ¿Cómo es posible que estando uno tan cansado no logre conciliar el sueño? ¿Y si te fijaras en un punto determinado? Sólo hay oscuridad sobre ti, alrededor de ti. Primero hay que cerrar los ojos y concentrarse. ¡Allí hay una línea pequeña! Se mueve. Ahora, una línea circular gira y se derrama en colores vivos, y cada color que va apareciendo borra el otro. Tratas de distinguir los colores, sus formas y sus evoluciones. Te concentras. Te concentras. No hay que pensar en nada, espantar los recuerdos, las preguntas, olvidar las figuras geométricas que bailan, bailan. Es mejor abrir los ojos. Debe ser el viento el que está perturbando tu sueño. O de pronto esa posición acostado sobre la espalda, la menos indicada porque tu cabeza se echa para atrás, incomodando así la fluidez de la respiración. ¿Y si giras hacia un lado? Antes de ejecutar el movimiento de rotación, quieres analizar la cuestión. Medir la rentabilidad del esfuerzo. Dudas. Finalmente, te decides. El duro suelo te talla un poco los huesos de la rodilla y de la pelvis mientras que tu mirada adivina esa mujer que duerme sin siquiera moverse. Te molesta su presencia. Demasiado cerca. Te volteas para el otro lado. ¿Para dónde mirar? Se te hace difícil respirar con esa posición de la cabeza hundida en el brazo que sirve de almohada. ¿Recoger las piernas contra el pecho? No. Te vuelves a acostar sobre la espalda, con el estómago descubierto, la cabeza girando, la boca ligeramente abierta. ¿Qué hora es? ¿Las dos? ¿Las tres? ¿Sólo has dormido unos instantes? Ni lo crees ni podrías jurarlo. Parece que el viento se está debilitando. Escuchas el ruido de las hojas para medir su intensidad. Ya hace algunos instantes que no las escuchas moverse. No. El viento no ha disminuido. Es sólo que se ha hecho menos constante. ¿Y si te levantas? Implicaría despertarse por completo. Es mejor quedarse acostado. Descansar. Dormir. Antes, sin embargo, podías dormir bien en los anchos escalones de la Plaza San Nicolás, a la sombra de los almendros, bajo el calor del día. ¿Por qué ahora no puedes dormir? Un dolor sube a lo largo de tu nuca y se aloja en la ceja derecha. Es la posición de la cabeza lo que te impide dormir. Deslizas los dos brazos bajo la nuca para reemplazar la almohada que tanta falta te está haciendo. El dolor persiste. Un dolor punzante. Un dolor que se aferra a ti, que te retiene en el otro lado del sueño mientras que tu cuerpo entero cae por el peso del cansancio y pide, exige que te deslices en la somnolencia. Una penosa impresión de ser el único que no duerme, una especie de fracasado, una irremediable excepción en el funcionamiento inmutable del universo. Certeza que se refuerza con cada respiración ronca que oyes cerca de ti, a veces entrecortada por un ruidito gutural. Ese frío amargo, esa tristeza, ese desaliento haciéndote un nudo en el estómago, suben a lo largo de la garganta, se derraman en las vísceras. Las vísceras. ¡No pensar en eso! No pensar en nada. En nada. Un sobresalto. Una especie de vértigo, un deslizamiento del cuerpo en el sueño y el sueño que te lanza bruscamente fuera de él, como si fuera hipo. Hay que esperar otra oportunidad y no perderla, no perderla. Esperar que él regrese y aprovechar esa sensación de vacilación para deslizarse por fin en ese espacio de olvido que no quiere tenerte. Hay que prepararse para ello. Domesticarlo, seducirlo, como a una mujer. ¿Hablarle? Sí. Quisieras hablar. ¿Hablarle a quién? ¿A ese ruido gutural, maquinal, inconsciente, que llena tu oscuridad? ¿Para qué? No, simplemente hablar, nada más, para ver si todavía lo puedes hacer porque tienes la impresión de que el calor ha transformado las palabras en una masa densa y pesada dentro de tu boca. Una masa que se va haciendo cada vez más dura a medida que pasan las horas de esa noche asfixiante y hostil que ya no quiere morir…

Beber.
Caminar a lo largo de la Carrera San Cristóbal, con sus casas insolentes, sus puertas bien vigiladas y su vegetación exuberante en donde ya tantas veces has respirado grandes bocanadas de desencanto. El calor pesado y por fin esa negra que riega un pequeño espacio de césped frente a la reja. Me puede dar un poco de agua, por f. ¡Espera acá! Voy a ver. ¡Patrona, un tipo dice que si se le puede regalar agua! ¡Claro, Maidé! Sí señora. ¡Pero que no entre! Sí señora. Puede tomar agua de la llave. Gracias. En las ventanas hay un olor familiar que te hace recordar tu infancia. El olor a café, a manteles impecables, a una presencia alrededor de la mesa con esa cálida y ligera comprensión de las cosas y de las. El perro te vigila listo a morderte si llegas a avanzar un paso en dirección de las rejas. Llenas la cantimplora que encontraste una tarde en una caneca. Gracias, señorita. De nada. Hasta luego. El agua corre con sus amibas perforándote el estómago como un cuchillo que te jode hasta los sesos. Ya te acostumbraste. Tienes los ventrículos llenos de anticuerpos. Pero con todo, una buena cervecita bien. Aquel anciano vendedor ambulante, con el puesto y el parasol con letra rojas que dicen: bebidas, helados, cigarrillos. Lo distraes un momento y al primer descuido le bajas una. No. El tipo desconfía de la gente que viene a hablarle así no más. Mejor le caes, coges una cerveza a toda y te pierdes. El viejo no puede salir a perseguirte porque si no los demás le van a bajar todo lo que tiene en el puesto. Él lo sabe. ¡Un ladrón! ¡Un ladrón! ¡Cojan a ese hijueputa! Los que están en la calle van a alcanzarte. A rodearte. Estás jodido, ¡sucio cartonero malparido, cosa sin clase! Prefieres esperar la situación propicia, ahí, en el caminito en donde te refugiaste para recuperar el aliento. Tragas tu saliva y eso te produce una especie de sabor a ceniza amarga. Te sientes como lanzado fuera de la vida pero con la vida tras de ti, rodeándote, lista a atacarte, y que te pregunta por qué esa mierda en tu pantalón. Y todos los güevones de la tierra: ¡debería darte vergüenza! Y tú que te preguntas lo que podrías haber hecho para evitar ese naufragio. ¿Cómo llegaste a ese punto? ¿Por la voluntad de quién? ¿La consecuencia de qué? ¿Cuál error? Seguro que cometiste un error. ¿Cuál? ¿Dónde? No entiendes. ¿Para qué? Inútil. Lo importante es. ¡El italiano! Tres pasos. Otros tres pasos y va a verte. A preguntarte: ¿Cómo estás? Bien, gracias. Disculpa, no tengo tiempo. Pero se diría que te estás cagando del miedo. ¿Problemas personales? Sabe, el gran marica. No, yo. ¿Tienes candela? Gracias. No, nada. Entonces te invito a una cerveza. Muy amable pero tengo que ir a. Una cervecita. El italiano también es un vendido, te quebraría por cualquier peso. ¡Anímate, una sola, rapidito! Bueno, de acuerdo, pero sólo una. Estoy de afán. El muy cabrón te clavaría el cuchillo de carnicero en el estómago. Imaginas el chorro de sangre saliendo de tu boca como en aquella película que viste hace. ¿Cuánto hace? Tres años. Fue en Sabanalarga con Ticha. ¡Ticha, tres años ya! Se veía, en cámara lenta, un chorrito de sangre que salía de su boca rota, violeta, y el tipo que contorsionaba mientras se cogía el vientre. Era en cámara lenta para que se viera mejor el dolor con todas sus pequeñas muecas. Con un cuchillo siempre se muere en cámara lenta. No hay que darle confianza, como a los. Desapareció en la esquina. Sin mirarte, ¡el grandísimo hijueputa! Esperas algunos instantes con miedo de que regrese. Sentado en los escalones de la iglesia. Las piedras hirvientes. Puedes esconderte dentro si. Los muy maricas no se atreverán ahí adentro. Haces todo lo que está a tu alcance para que no te reconozcan en medio del gentío. Sonríes. Tu sonrisa se petrifica en rictus. El tipo de allá, con sus ojos en forma de hoja de cuchillo, habla con. Te van a. ¡Vete! ¡Corre! Aquí todos están mintiendo, miente hasta el gato…

Comer.
Nunca has logrado entender cómo la gente es capaz de arrojar a la basura tantas cosas tan finas y tan buenas que ni siquiera han sido probadas y que cuestan un montón de plata. Sin embargo, en la calle te veían vagabundear en busca de comida. Es entonces en la noche que tienes que volver a esculcar las canecas. ¡Una bendición! Ya es de día, hace calor, las canecas siguen en las cocinas mientras que tú te estás muriendo de hambre. Devoraste algunos mangos y cocos que te ofrecían generosamente los árboles al borde de las calles. Los mangos no estaban tan buenos, más bien algo amargos. Son diferentes a los que uno encuentra en los almacenes o en el mercado. Robarse una arepa o dos en el mercado de. Mejor no. Seguramente te están buscando en el mercado. Por todos lados. ¿A dónde ir? Todos mienten aquí, hasta en los baños. Bien te decía Rafael que. ¿Qué era lo que decía? De la verdad y de las grandes ideas hicieron un. ¿Un qué? ¡Ah, ese cansancio, ese peso en tu cabeza! ¡Un parque de atracciones! ¡Eso es! ¡Hicieron un parque de atracciones de las grandes ideas, un parque de atracciones abierto para cabrones! O mejor, para los electores güevones antes de las elecciones. A la izquierda, la calle desciende en pendiente no muy inclinada, bordeada por una fila de almacenes pequeños y de cafés terraza. Te dejas llevar por la suave inclinación de la calzada como si fuera una especie de corriente de agua. Te cruzas con una carreta que lleva bloques de hielo. ¡Hielo! La silueta del conductor es engibada y avanza fustigando al burro. Recuerdas que tú también tuviste, antes, una carreta tirada por un burro. Ahora sólo tienes un viejo carro esferado que descansa sobre cuatro rueditas. Y el burro eres tú, fustigado por fuerzas invisibles. El Barlovento. Un lugar poco recomendable. Hasta la policía le tiene miedo. Sólo hay callejuelas sin ninguna salida alrededor y casuchas amontonadas unas sobre otras con el sentimiento egoísta de sálvese quien pueda. Instinto primario desgarrado entre el deseo de matar y la fiebre de reproducción. Te escondes algunos minutos en el rincón de una puerta. Recobras el aliento. Has corrido mucho, no has comido bien ni bebido lo suficiente. Vigilas. Bien, no ves a nadie. Te arriesgas a salir del escondite, avanzas por la calle. Calle de mierda. Tranquilo. De repente, recuerdas. ¡Eres un imbécil! No es a los policías a quien hay que temerles. Los policías no se empuercan las manos, no se arriesgan, sólo tienen que pagarle a alguien. Unos pesos y después quedan tranquilos, ¡perro de dos patas, gran marica! Contra la humanidad del malparido del Wilfrido. ¿Negocio cerrado, no? Concluido. ¿Pero nos dejan tranquilos? ¡Prometido! ¡Van a agarrarte, los muy cabrones! Y además te van a sacar los ojos. Dos grandes órbitas vacías como se ven en la morgue. Aquella cabeza llena de agonía que te observaba con sus ojos vacíos de gallinazo. Cabeza sin cuerpo, sin orejas, pegada a tu mano. Y todos aquellos estómagos abiertos. Esas imágenes se hunden en tu cabeza y no puedes retenerlas, a pesar del esfuerzo. Recuerdas a Chuchito, el hijo de Lupita. Lo había llevado al hospital porque el chiquillo estaba vomitando mucho. Era bilis o algo así. Déjenoslo unos días para cuidárselo. No puedo quedarme. ¡No, no, regrese dentro de una semana! Gracias. ¡No se preocupe! Hasta luego. ¿Dentro de una semana? ¡Claro! Lo devolvieron con unos ojos que uno diría que eran como una pantalla de televisión cuando la imagen está nublada. Nunca volvió a tener una imagen en sus ojos. Míreselos, son como unas nubecitas completamente blancas. Los malparidos sólo le dejaron unos ojos nublados, sin nada dentro, ni siquiera para llorar. Los volvieron unos andrajos, como si toda la vida se le hubiera ido por sus párpados heridos, distendidos, llenos de sangre. Te ves como en un espejo pero la imagen es tan perfecta que te crees salido del espejo mismo. Sientes que flotas unos breves momentos, arrastrado por un flujo deslumbrante. Estás al otro lado del miedo y no lo sabes. ¿Por qué hay que sufrir? Bastaría un segundito para que se derrumbara este mundo absurdo. Un breve instante, porque pronto el miedo te coge, entre el absurdo y la nada, y sientes que sus garras te aprietan las tripas de nuevo por encima del estómago. Te dices que es mejor el absurdo. ¡Listo¡ Volviste a pasar al otro lado de una vez por todas y sin darte cuenta. La calle sigue vacía. Continúas tu camino entre las casas que se alinean unas tras otras, interminablemente, y corres atravesando los espacios desnudos de asfalto que los separan. Y llegas a la Calle de las Vacas...