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Pierre Béguin

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Terre de personne

Roman , 160 pages , Ed. L'AIRE - 10/2004.

Prix de la Fondation Schiller 2005

«Je pressentais que la vie ne réserve pas ses plus grandes joies à ceux qui restent dans le rang, soumis aux règles en vigueur, dociles à l’opinion dominante, mais au petit nombre qui osent marcher hors des sentiers battus, le long des pistes qu’ils ont eux-mêmes tracées.» écrit Dominique Fernandez dans son excellent livre L’Art de raconter (Grasset). Cette phrase, entre 18 et 40 ans, je me suis efforcé de l’appliquer à mon existence, sans obtenir – je dois l’avouer – les succès escomptés : les événements sont plus lisses qu’on ne le croit et ils offrent peu de prise à ceux qui ne savent les forcer. Emel, le narrateur de Terre de Personne, fait aussi écho à cette phrase : «Dans la banalité où s’écoulait, comme une eau grise et sans mémoire, ma poussive existence d’étudiant, ces récits de conquérants, auxquels vinrent s’ajouter les témoignages de quelques guaqueros rencontrés au hasard d’un bar, sentaient bon la poussière des chemins. Mon imagination se projetait vers ces régions perdues pour paumés ou pilleurs, comme dans une porte ouverte sur l’aventure d’où s’exhalait une senteur sauvage de liberté. Et même s’il m’arrivait parfois d’admettre que ce parfum ne contenait qu’illusions ou rêves, je n’en restais pas moins convaincu que ces rêves représentaient la seule réalité qui me fût permise.» A Emel donc de réaliser ce que je n’ai pas su faire aboutir. Et même si le roman montre l’inanité de telles aspirations, il souligne aussi les bénéfices du trajet initiatique pour en atténuer l’échec final. Mais, au début du XXIe siècle, comment écrire – et surtout où situer – un roman d’aventure? Le genre n’est-il pas désuet? J’ai toujours perçu comme une géniale fulgurance cette séquence de Tintin et les Picaros où Séraphin Lampion débarque, impromptu, dans un car de touristes au milieu des aventures de Tintin en pleine jungle d’Amérique centrale. Le symbole est clair: Tintin est un personnage suranné, ses aventures sont d’un autre siècle, l’ailleurs appartient dorénavant aux agences de voyage à la conquête de nouveaux territoires. Je me souviens du jour où j’en ai fait personnellement le constat. Je bourlinguais entre le Pérou et la Bolivie lorsque, en montant dans un train, je me retrouvai à côté d’un groupe de suisses allemands retraités, en voyage organisé, jouant au yass. J’ai repensé alors à Séraphin Lampion… Pourtant, les Séraphin Lampion n’ont colonisé que quelques kilomètres de forêt autour de Manaus. L’Amazonie reste un territoire vierge de touristes. De même – la guérilla aidant – la plus grande partie de la Colombie. Je ne me voyais donc pas situer l’aventure d’Emel ailleurs que dans la jungle colombienne. Quant à sa forme, le roman reprend les stéréotypes du genre tout en posant comme principe narratif deux contraintes qui en sont habituellement absentes: l’unité de lieu et la primauté de la description, l’objet renvoyant au sujet observant. Le style ostensiblement baroque, aux phrases longues comme des lianes, compactes comme le feuillage, saturées parfois d’adjectifs, veut traduire l’infernale densité originelle et humide de la forêt tropicale où l’homme n’est plus qu’un avatar de la création. Une terre de personne…

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